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dimanche 20 septembre 2015

Florence

            En ce milieu de matinée, le temps semblait vouloir donner raison aux prévisions alarmistes de Météofrance. La pluie tombait en continu depuis quatre heure du matin et le ciel, chargé d’épais nuages menaçants,  ne laissait apparaitre aucune lueur d’espoir quant à une amélioration prochaine au-dessus de Paris.

            Les rues étroites de la capitale étaient plongées dans une grisaille monotone, tandis que les grands boulevards, habituellement encore très fréquentés en cette fin de saison estivale, étaient tristement désert, uniquement animés par la circulation automobile et son concerto de klaxons répétitifs des parisiens déjà retombés dans le stress du travail. Les touristes avaient vraisemblablement préféré les endroits couverts, comme les musées, grandes surfaces ou bien cinémas.

            Pourtant, si l’on faisait fi de la pollution sonore et autre de la circulation routière, Paris sous la pluie n’était pas dénuée de tous charmes. Les ruelles ruisselantes avaient souvent fait, et faisaient encore, la joie de certains photographes qui, dans une série de flaques d’eau, sur une façade détrempée, ou bien encore dans une forêt de parapluies, trouvaient une beauté surprenante à immortaliser, parfois fascinante, une sorte de romantisme mélancolique et subtil. Mais tout le monde n’avait pas l’âme d’un photographe, ni même d’un poète, surtout pas le vacancier à la recherche perpétuelle du soleil, ni même l’homme qui remontait la rue Alfred de Vigny en direction de la place du général Brocard.

            Les mains enfouies dans les profondes poches d’un trench, il marchait d’un pas très rapide, légèrement courbé vers l’avant pour donner moins de prise aux gouttelettes qui, poussées par un vent contraire, s’abattaient désagréablement sur lui. Un couvre-chef, à larges bords, faisait office de petit parapluie, abritant un visage aux traits fins parsemés de quelques rides.

            Sans aller jusqu’à dire qu’il était maigre, l’homme était d’une corpulence très élancée, un physique svelte qui laissait à penser qu’il entretenait une bonne hygiène de vie. La qualité visible de son trench, qui lui tombait au-dessus des genoux, tout comme celle de son pantalon et de ses chaussures, indiquait qu’il portait un intérêt certain à son aspect vestimentaire et qu’il n’était certainement pas un touriste arpentant les rues de la capitale, sous une pluie battante, pour le simple plaisir, mais que nous avions plutôt à faire à un homme d’affaire se rendant à un rendez-vous de travail.

            Florence était entrée à I.S Engineering voilà plus de dix ans, alors que la société n’était alors qu’une petite start-up noyée au milieu de centaines d’autres, avec un avenir incertain, et dont le siège social, tout comme les locaux commerciaux, se situaient dans un petit appartement de 50 m2, celui-là même de son fondateur, où la cuisine avait été détournée en bureau d’étude, tandis que le salon servait de lieu d’accueil pour les investisseurs et clients.

            La clientèle ne s’était pas immédiatement bousculée aux portillons et Florence avait souvent dû se contenter d’un salaire de misère, quelque peu complété par une aide de l’Etat ; nombreuses furent les fois où elle s’était vu devoir aller pointer à Pôle Emploi, face aux grosses difficultés financières que rencontraient son patron et ami, Franck Courtois. Mais la croyance de ce dernier dans la viabilité de sa société, ainsi que sa persévérance, avaient fini par porter ses fruits et, après presque deux ans d’une existence chaotique, la petite start-up avait décroché un gros client, le client.

            Aujourd’hui, I.S Engineering employait douze personnes à plein temps, sous les ordres de Florence qui, depuis fort longtemps, ne percevait plus d’aide financière de l’Etat ; c’était plutôt elle qui aidait la France sous le biais de divers impôts.

            En dix ans, à mesure de son expansion, I.S Engineering avait déménagée par trois fois, le dernier déménagement ne remontant qu’à trois semaines. Le temps du studio étriqué n’était plus qu’un lointain souvenir et c’était à présent dans un open space de 90 m2, au dernier étage d’un immeuble en comportant quatre, dans le 8e arrondissement, qu’officiait Florence. Depuis son fauteuil en cuir souple, elle profitait d’une vue imprenable sur la rive droite de la Seine, grâce à une impressionnante baie vitrée qui occupait tout le pan de mur donnant sur l’extérieur.

Terminés aussi les PC archaïques qui plantaient sans cesse : de magnifique Apple, dernière génération, trônaient fièrement sur les bureaux en composite, aux côtés de tablettes tactiles de la même marque.

Toutefois, quelques points noirs venaient entacher l’idéalisme de ce nouveau paradis du travail. Il y avait tout d’abord l’odeur persistante de peinture fraîche, témoignage olfactif de la remise à neuf du local, mais aussi, et par-dessus tout, la climatisation hors service depuis plus d’une semaine. A par la vue sur la Seine, la baie vitrée n’offrait aucune ouverture sur le dehors mais était redoutable pour en laisser entrer la chaleur, une chaleur devenue rapidement étouffante avec les fortes températures qu’avait connue la région parisienne et que le temps automnal de ce jour ne suffisait pas à faire descendre.

Afin d’éviter que son personnel ne se liquéfie, Franck Courtois avait investi dans du petit matériel de substitution, loin de se douter que ce dépannage allait servir aussi longtemps. De bon vieux ventilateurs, dont les bourdonnements sourds invitaient à la sieste, surtout après la pause déjeuner, offraient un semblant de fraîcheur plus ou moins satisfaisant.

Faute de place sur les plans de travail, la plupart des ventilateurs étaient posés à même le sol. Florence avait glissé le sien sous son bureau de façon à ce que l’air soufflé, par petites vagues successives, se glisse sous sa robe en d’agréables caresses tout le long de ses cuisses. Etait-ce efficace en termes de rafraîchissement ? allez-vous vous demander : Florence semblait pleinement s’en satisfaire.

L’homme au trench atteignit sa destination au moment où la pluie semblait montrer quelques signes d’affaiblissement. Il leva les yeux vers le ciel et un observateur attentif aurait pu se demander ce qui, à cet instant, était le plus menaçant : le regard noir de l’inconnu, où les gros nuages chargés d’eau.

Dès qu’il pénétra dans le hall de l’immeuble, l’homme fut surpris par la chaleur moite qui y régnait, une sensation qu’il trouva  des plus désagréables après avoir passé un si long moment sous la pluie. « Ils ont mis le chauffage ? », s’interrogea-t-il tout en retirant son trench.

Cinq sociétés, pratiquement une par étage, ce partageaient les lieux. Certainement pour un souci d’économie, il n’y avait pas d’hôtesse d’accueil, mais simplement une grande plaque murale, imitant grossièrement le marbre, sur laquelle étaient gravées les raisons sociales avec l’étage correspondant. « Etrange façon d’accueillir pour une entreprise commerciale », pensa-t-il tout haut.

Florence étira ses longues jambes fines sous le bureau en écartant exagérément les jambes. Les courants d’air, provoqués par la soufflerie du ventilateur, montèrent plus haut sur ses cuisses, jusqu’à venir lécher sa petite culotte. Elle poussa un soupir silencieux et observa un moment les légères ondulations de sa robe, comme de petites vagues venant mourir au pied d’une plage, puis ferma les yeux.

La nuit avait été courte pour elle, bien plus qu’elle ne l’avait imaginé en quittant son travail, la veille, pour se rendre à la pendaison de crémaillère de l’une de ses amies. Cette dernière, directrice commerciale à Disney, avait fait venir beaucoup de monde pour inaugurer sa prise de possession de sa villa en Seine et Marne, non loin de Fontainebleau, et, parmi la foule d’invités, Florence avait eu la surprise de retrouver un amant qu’elle n’avait plus revu depuis de nombreux mois. Avec lui, elle avait inauguré une partie sombre du grand jardin d’une manière si intense, que son corps en vibrait encore ce matin.

La porte d’entrée, située à la droite de son bureau, s’ouvrit brusquement et la tira de ses rêveries en sursaut. Elle se redressa vivement et retrouva une contenance très professionnelle avec une rapidité déconcertante.

« Monsieur ? dit-elle dans un large sourire lorsque le nouveau venu se trouva devant elle.
« Philippe Montal. J’ai rendez-vous avec monsieur Courtois. »

Un étrange courant traversa le corps de Florence lorsque Philippe planta ses yeux noirs dans les siens. Il n’était pas nécessairement le plus bel homme qu’elle eut rencontré, mais il se dégageait de lui un charisme à couper le souffle.

« Je n’étais pas au courant que monsieur Courtois attendait quelqu’un, répondit-elle d’une voix un peu rauque.
« Pourtant, mademoiselle, je vous assure qu’il m’attend bien ! »

La façon dont il avait prononcé le « mademoiselle » la fit frissonner et ce fut à cet instant qu’elle s’imagina poursuivre les ébats de sa nuit passée avec cet inconnu.

Même s’il donnait l’impression de n’avoir jamais quitté les yeux de sa vis-à-vis, Philippe avait parfaitement détaillé la jeune femme. Au-delà de sa beauté indéniable, elle présentait un charme saisissant, une volupté naturelle qui, même s’il n’en montrait rien, ne le laissait pas indifférent. Sa robe, qui lui tombait au-dessus des genoux, épousait divinement les courbes de son corps, tout en s’ouvrant sur un superbe décolleté. Sa chevelure, virant sur le châtain clair, était relevée en un chignon simplement maintenu par une pince, découvrant une nuque ravissante et des épaules légèrement dorées par le soleil. Au fond de son regard noisette, luisait une lumière malicieuse des plus attendrissantes.

« Et vous êtes ? demanda-t-il.
« Je m’appelle Florence, Florence Giroird. Je suis l’assistante de monsieur Courtois.
« Eh bien, mademoiselle Giroird, vous serait-il possible de m’annoncer auprès de monsieur Courtois ? »

Malgré son chapeau trempé sur la tête et son trench, suspendu à son bras droit, dans le même état, Philippe conservait une prestance imposante, le tout dans une élégance, qui semblait lui coller comme une seconde peau, assortie à une sorte d’arrogance naturelle.

« Bien sûr, monsieur, répondit-elle d’une voix plus assurée, j’y vais de ce pas. En attendant, si vous le désirez, vous pouvez laisser votre manteau et votre chapeau sur le portant, juste là, ajouta-t-elle en indiquant un porte-manteau près de la baie vitrée. Je reviens immédiatement ! »

Cela faisait plus d’une heure que Franck était enfermé dans son bureau avec Philippe Montal et Florence imaginait que ce dernier devait être un futur client rudement important. En règle générale, c’était à elle qu’incombait la responsabilité de négocier les gros contrats, une tâche dont elle s’acquittait toujours à merveille ; Franck gérait plutôt la partie investissement. Mais, à sa connaissance, I.S Engineering n’était plus à la recherche d’investisseurs ; il ne pouvait donc s’agir que d’un contrat avec un nombre indécent de chiffres.

Ce qui intriguait le plus Florence, c’était qu’il n’y avait aucun rendez-vous de noté dans l’agenda de Franck, que ce soit pour ce fameux Philippe ou pour toute autre personne, comme s’il avait voulu le garder secret jusqu’à la dernière minute. Plus elle y réfléchissait, plus la situation la plongeait dans une certaine perplexité.

Elle leva la tête de son ordinateur et regarda rêveusement le trench et le chapeau qui avaient fini par totalement sécher sur le porte-manteau. Sa perplexité s’effaça subitement pour céder la place à une autre forme de trouble.

Florence était une femme libre et libérée, une de ces personnes qui croquent la vie à pleines dents, sans se soucier du qu’en dira-t-on des moralisateurs de pacotille. Changeant régulièrement d’amants, elle se moquait éperdument qu’on la prenne pour ce qu’elle n’était pas, même si, un temps, cela l’avait fortement agacée. Après tout, pourquoi une femme coureuse de pantalons serait une salope, alors qu’un homme, coureur de jupons, n’étaient ni plus ni moins qu’un Don Juan ? Elle aimait les plaisirs du sexe, au même titre que le sexe, dit fort, pouvait les aimer, en solo, en duo et parfois même en trio, et elle n’était pas plus salope que pouvait l’être un Don Juan.

Toutefois, paradoxe de sa personnalité, elle affichait une certaine réserve au premier abord et succombait rarement à un premier rendez-vous ; aimer le sexe ne signifiait pas pour autant coucher n’importe quand, n’importe comment. Il lui arrivait bien, comme cela arrive à la plupart des hommes et des femmes, de se retourner, dans la rue ou au centre commercial, au passage d’un bel homme et de se dire qu’elle en ferait bien son quatre heures, mais, avec ce Philippe Montal, il semblait se passer quelque chose de bien plus fort en elle. Elle éprouvait le désir de le sentir contre elle, de le toucher, de le caresser, de le faire naître entre ses mains, ses doigts, ses lèvres… Que lui arrivait-il donc ?

Elle secoua vivement la tête pour chasser ses idées lubriques et regarda l’heure affichée dans un coin de l’écran d’ordinateur. Il était presque 13 heures et l’open space, à l’exception de Florence, avait été déserté de tous ses employés partis déjeuner. Ce n’était pas la première fois qu’elle sautait sa pause repas ; elle le faisait assez régulièrement, durant certaines fins de semaines, pour boucler des dossiers sensibles qu’un simple weekend pouvait faire capoter. Celui sur lequel elle planchait actuellement était pratiquement clôturé ; seulement quelques détails à peaufiner. Elle s’étira sur son fauteuil, levant les bras vers le plafond, et bailla à s’en décrocher les mâchoires. Elle avait besoin de faire une pause, de se dégourdir les jambes.  

Contre toute attente, le ciel parisien s’était finalement défait de ses lourds nuages et les rayons du soleil frappaient à présent le verre épais de la baie-vitrée.

« Bon ! s’exclama-t-elle. Dix minutes de pause pour se remettre les idées dans le bon ordre ! »

Si la poignée de main de Philippe Montal était ferme et chaleureuse, celle de Franck Courtois était nettement plus molle et beaucoup moins sympathique au moment de prendre congé de son rendez-vous.

« Le temps de faire établir les papiers par nos avocats, lui dit Philippe, je pense que nous pourrons finaliser la chose d’ici la fin de semaine prochaine. Vous avez pris la meilleure décision, croyez-moi.
« Je ne suis pas certain, répondit Franck d’un ton glacial, que de choisir des requins soit une bonne décision !
« En aviez-vous un autre ?
« Non, et vous le savez ! »

Florence pestait intérieurement devant la porte de l’ascenseur désespérément close. Pour la troisième fois de cette semaine, la machinerie semblait ne pas avoir résistée à la chaleur.

« Décidemment, dit-elle à haute voix pour elle-même, tout a été refait à neuf, mais rien ne fonctionne ! »

Elle enfonça rageusement le bouton d’appel à plusieurs reprises, mais rien ne se produisit, pas même un cliquetis.

« Un problème ? » demanda une voix grave derrière elle.

Florence se retourna en sursaut et son coeur sembla vouloir bondir hors de sa poitrine lorsqu’elle découvrit qui s’adressait à elle. Dans une posture droite et fière, toujours avec cette espèce d’arrogance attirante, Philippe la fixait avec une lueur d’amusement au fond des yeux. Il avait desserré son nœud de cravate, retroussé ses manches de chemise, tenait son trench pendu à un bras et portait son chapeau légèrement de travers, comme une négligence savamment calculée.

« Il a une classe incroyable ! », pensa Florence dont le corps s’éveillait à nouveau à un brutal désir.
« Un problème ? répéta Philippe.
« Oui. Enfin non… C’est un problème sans l’être vraiment ; l’ascenseur est à nouveau hors service.
« A nouveau ? Cela arrive donc si souvent ?
« Tout a été refait, ici. Il faut sans doute un temps de rodage ! répondit Florence en affichant un sourire qui fit encore plus briller ses yeux.
« Je vois… Un peu comme la climatisation ?
« Oui… Votre rendez-vous s’est-il bien passé ?
« Il a été concluant, répondit évasivement Philippe. Mais monsieur Courtois vous en parlera beaucoup mieux que moi. Vous partiez ?
« Comment ? Ah, oui… non… Juste besoin de prendre un peu le frais !
« Je ne peux que vous comprendre. Nous prenons les escaliers ?
« Il me semble que c’est la seule chose qu’il nous reste à faire », soupira Florence en jetant un dernier regard rageur aux portes de l’ascenseur.

Philippe était parfaitement conscient du trouble qu’il jetait sur Florence. Il l’avait même remarqué quelques secondes seulement après avoir pénétré dans l’open space. De son côté, plus il l’observait, plus il était fasciné par ce qui se dégageait de sa personne, quelque chose d’indéfinissable et mystérieusement envoûtant, comme une aura qui émanait de son être et qui pouvait piéger, dans un tourbillon émotionnel, celui qui n’y prenait garde.

Mesurant une tête de plus qu’elle, il profitait d’une vue superbe sur le décolleté et, en observant la poitrine qui se soulevait au rythme d’une respiration courte et rapide, il se dit qu’il se laisserait bien tenter par ce tourbillon.

« C’est par ici, monsieur », lui dit Florence qui semblait avoir suivi le cheminement de ses pensées.

Philippe emboîta le pas de la jeune femme, se délectant de sa démarche chaloupée qui faisait divinement danser ses hanches.

Florence se sentit soudainement nerveuse. Elle ressentait le poids du regard de Philippe sur elle, comme s’il s’agissait d’une longue caresse invisible qui faisait vibrer ses chairs. Sa nervosité s’accentua encore plus lorsqu’elle réalisa que sa culotte était en train de s’humidifier. « Ressaisis-toi, ma belle », pensa-t-elle au moment où un bras entrait dans son champ de vision.

« Je vous en prie, mademoiselle. »

Philippe poussa la porte donnant sur le couloir d’escaliers et s’écarta juste assez pour que Florence puisse passer. Un parfum subtilement épicé le porta au bord du chavirage.

« Cela fait longtemps que vous travaillez pour monsieur Courtois ? »

Pour répondre, Florence stoppa sur la première marche et se retourna un peu trop vite, percutant ainsi le torse de Philippe. Perdant l’équilibre, elle tenta de se retenir à la rambarde, mais Philippe fut plus rapide et l’attrapa par la taille, avant qu’elle ne parte en arrière, laissant son trench mourir entre deux marches.

Bien que le risque de chute fut définitivement écarté, l’étreinte s’éternisa, pour le plus grand plaisir de Florence. Les mains qui la maintenaient, juste au-dessus des fesses, avait une puissance insoupçonnable pour un homme à la carrure si fine.

« Vous alliez me dire ? murmura Philippe.
« Dix ans… Cela fait dix ans que je travaille avec lui… non pas pour lui.
« Dix ans ? Une longévité et une fidélité des plus surprenantes de nos jours. »

Florence leva les yeux et les planta dans ceux de Philippe. Ce qu’elle y lut à cet instant fit bouillonner son corps.

« Il n’y a qu’au travail que ma fidélité est surprenante ! » ne put-elle s’empêcher de répondre.

Sous l’effet de la poitrine collée tout contre lui, opulente et ferme, une intense chaleur fondit sur Philippe, le recouvrant de la racine des cheveux à la pointe des pieds, en réveillant, au passage, son sexe recroquevillé dans son caleçon. Il tenta de se ressaisir, de reprendre le contrôle avant que les choses n’aillent plus loin, car l’endroit n’était pas choisi pour le style de débat qui se dessinait, mais cela était sans compter sur Florence qui avait totalement basculée dans les jardins d’Eros.

« Non ! s’exclama-t-elle lorsque Philippe ouvrit la bouche pour dire quelque chose. Tais-toi ! Prends-moi ! Maintenant ! »

Philippe n’était pas du genre à se fixer des barrières, dès l’instant où sa partenaire du moment n’en mettait pas elle-même. Même si tout allait très vite, trop sans doute, cette fin de rendez-vous improbable correspondait à son personnage et, cédant à ses pulsions, il se jeta sur les lèvres pulpeuses qui se tendaient vers les siennes, se fraya un passage entre les deux rangées de dents et une joute de langues endiablée s’engagea aussitôt. Il restait bien une petite voix, au fond de son esprit, qui lui soufflait que tout ceci était sans doute une mauvaise idée pour la suite, pour ce qui s’apprêtait à arriver à I.S Engineering, mais elle parlait en pure perte : toute raison s’était enfuie face à la puissance du désir charnel.

Dans la tête de Florence, il n’y avait pas la moindre petite voix de sagesse, mais plutôt celle d’une diablotine qui la poussait, si besoin en était, à se lover encore plus contre le corps du mâle. Déjà, elle sentait une bosse généreuse contre son bas-ventre et des dizaines d’explosions de chaleur balayaient tout son être.

« Prends-moi ! répéta-t-elle dans un souffle. Sois un vilain gros chaton !
« C’est bien la première fois que l’on me nomme ainsi.
« J’ai toujours aimé les premières fois ! »

Florence sentit s’embraser ses entrailles lorsque les mains viriles passèrent sous sa robe, glissèrent sur sa peau nue, avant de se faufiler sous sa culotte pour venir pétrir ses fesses sans aucun ménagement. N’y tenant plus, elle se décolla légèrement de Philippe, juste assez pour pouvoir glisser une main sur la proéminence qui déformait le pantalon.

« Et j’aime encore plus ce que je sens », dit-elle en faisant descendre le zip de la fermeture éclair.

Elle plongea la main dans le pantalon. En s’érigeant, la verge, prisonnière d’une cage en tissu devenue trop étroite, s’était mise dans une étrange position, certainement très inconfortable. Ce fut donc pour son bien que Florence la tira vers l’extérieur où elle acheva de s’épanouir, de grandir, de grossir, de durcir entre ses doigts sans qu’elle n’eut besoin de faire quoi que ce soit pour. Elle lâcha le membre et se recula de quelques pas pour apprécier au mieux la vue. A la simple idée que ce sexe, magnifiquement tendu vers elle, allait bientôt l’honorer, sa culotte en devint poisseuse sous les larmes de désir qui s’écoulait de son intimité en feu. Elle résista à l’envie, pourtant très forte, de se laisser tomber à genoux pour embrasser ce gland turgescent qui l’appelait avec tant de tendresse, une résistance poussée par un reste de raison : bientôt, les employés travaillant dans l’immeuble allaient revenir de la pause déjeuner et, si l’ascenseur ne fonctionnait toujours pas, ils emprunteraient les escaliers pour rejoindre les différents étages. Tous deux n’avaient plus que très peu de temps pour assouvir leur envie de sexe. Curieusement, l’idée que Franck Courtois, toujours dans son bureau, puisse décider de sortir et pousser la porte tout près d’eux ne l’effleura même pas.

« Je suis honoré, monsieur, de vous voir en si belle disposition !
« Tu me vouvoies à nouveau ?
« Oui… Nous ne sommes pas encore assez intimes ! »

Pour toute réponse, Philippe saisit brusquement Florence par les épaules et la força à se retourner. Comprenant ce qu’il attendait d’elle, celle-ci s’arc-que-bouta et pris appuie, des deux mains, sur le mur face à elle. Après quoi, elle attendit dans une sagesse qui ne lui ressemblait pas vraiment.

Philippe apprécia un instant la courbe en arc de cercle qui partait du fessier, pour plonger au creux des reins avant de remonter vers les épaules, puis il releva la jupe jusqu’aux hanches. Il esquissa un sourire de satisfaction en remarquant les traces du désir féminin qui maculaient la culotte blanche dentelée de rouge. Il glissa une main entre les cuisses fermes et frémit de plaisir sous la chaleur qui s’en dégageait. Il avait envie d’y plonger son visage pour se délecter de ce jus naturel si divin, mais lui aussi savait qu’il ne fallait pas s’éterniser dans un tel lieu. Il poussa un petit soupir de dépit, écarta le sous-vêtement et porta son sexe à l’entrée de la caverne ruisselante.

Florence se cambra un peu plus lorsque le gland se fraya un chemin entre ses lèvres. La verge s’enfonça lentement en elle, s’enveloppant de toute son humidité accueillante, écartant délicieusement ses chairs. Enfin, elle sentit les cuisses de son amant percuter ses fesses et le sexe s’immobilisa en elle. Mais, en se concentrant sur ses sensations, il lui sembla que la verge n’était pas si immobile que cela, qu’elle avait pris une proportion phénoménale en elle et battait tel un puissant cœur qui faisait trembler toutes ses fibres intérieures.

Philippe posa les mains sur la croupe de sa cavalière et commença à s’activer en elle en se retirant lentement, pour replonger avec une certaine brutalité qui résonnait en un long écho dans le couloir silencieux. Florence tentait, du mieux qu’elle le pouvait, de contenir ses gémissements, les poings crispés contre le mur, mais, peu à peu, le plaisir plongeait son esprit dans une douce torpeur qui lui faisait oublier où elle se trouvait. Bientôt, elle n’eut plus en tête que l’image de ce sexe nervuré qui la pilonnait avec tant d’habilité.

Dans cette position, la verge frottait sur une partie très sensible de sa paroi vaginale, surtout dans la phase pénétration. D’abord, le gland venait y butter, puis suivait la hampe dans toute sa longueur. A mesure des va-et-vient, la sensibilité s’accroissait et de puissantes décharges électriques la faisaient se tordre de plaisir. Son corps ondulait, porté par une marée, sans cesse grossissante, qui asséchait sa gorge.

La sueur perlait à grosses gouttes sur le front de Philippe.. Les effluves de l’orgasme commençaient à bouillonner en lui ; lentement, la sève se formait dans ses testicules, tourbillonnante,  fin prête à une puissante libératrice.

Un écho plus fort vint troubler celui des cris étouffés. Au rez-de-chaussée, une porte avait été ouverte et des voix joyeuses montaient jusqu’aux oreilles du couple.

Le cœur de Florence s’emballa dans sa poitrine. La peur soudaine de se faire surprendre porta son excitation à son summum. Une trombe chaude éclata dans ses reins, la souleva presque du sol, et elle dut se mordre les lèvres pour s’empêcher de crier. Au même moment, Philippe se retira totalement et, dans un long râle rauque, il s’épancha sur les hanches et les fesses de sa maîtresse, tandis que les voix se faisaient dangereusement plus proches. Il eut tout juste le temps de récupérer son trench pour cacher son sexe en érection, avant que trois employés de  I.S Engineering n’apparaissent dans son champs de vision. La seule femme du trio jeta un rapide regard à Philippe, puis s’attarda plus longuement sur Florence qui, bien que troublée par le sperme chaud qu’elle sentait couler le long de ses fesses, parvenait à afficher une certaine contenance.

« Tu as finalement décidé de prendre une pause », lui dit l’employée avec un sourire en coin et un clin d’œil chargé de sous-entendus.

Franck Courtois se recula précipitamment et réussi à regagner l’open space avant que l’un des employés ne tire la porte du couloir. Il était à la fois troublé et enragé par la scène à laquelle il avait assisté, troublé d’avoir été un voyeur passif, enragé de penser que ce Montal avait obtenu en quelques secondes, ce qu’il n’avait jamais réussi à avoir en plus de dix ans..    






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