En ce milieu de matinée, le temps
semblait vouloir donner raison aux prévisions alarmistes de Météofrance. La
pluie tombait en continu depuis quatre heure du matin et le ciel, chargé
d’épais nuages menaçants, ne laissait
apparaitre aucune lueur d’espoir quant à une amélioration prochaine au-dessus
de Paris.
Les rues étroites de la capitale
étaient plongées dans une grisaille monotone, tandis que les grands boulevards,
habituellement encore très fréquentés en cette fin de saison estivale, étaient
tristement désert, uniquement animés par la circulation automobile et son
concerto de klaxons répétitifs des parisiens déjà retombés dans le stress du
travail. Les touristes avaient vraisemblablement préféré les endroits couverts,
comme les musées, grandes surfaces ou bien cinémas.
Pourtant, si l’on faisait fi de la
pollution sonore et autre de la circulation routière, Paris sous la pluie
n’était pas dénuée de tous charmes. Les ruelles ruisselantes avaient souvent
fait, et faisaient encore, la joie de certains photographes qui, dans une série
de flaques d’eau, sur une façade détrempée, ou bien encore dans une forêt de
parapluies, trouvaient une beauté surprenante à immortaliser, parfois
fascinante, une sorte de romantisme mélancolique et subtil. Mais tout le monde
n’avait pas l’âme d’un photographe, ni même d’un poète, surtout pas le
vacancier à la recherche perpétuelle du soleil, ni même l’homme qui remontait
la rue Alfred de Vigny en direction de la place du général Brocard.
Les mains enfouies dans les
profondes poches d’un trench, il marchait d’un pas très rapide, légèrement
courbé vers l’avant pour donner moins de prise aux gouttelettes qui, poussées
par un vent contraire, s’abattaient désagréablement sur lui. Un couvre-chef, à
larges bords, faisait office de petit parapluie, abritant un visage aux traits
fins parsemés de quelques rides.
Sans aller jusqu’à dire qu’il était
maigre, l’homme était d’une corpulence très élancée, un physique svelte qui
laissait à penser qu’il entretenait une bonne hygiène de vie. La qualité
visible de son trench, qui lui tombait au-dessus des genoux, tout comme celle
de son pantalon et de ses chaussures, indiquait qu’il portait un intérêt
certain à son aspect vestimentaire et qu’il n’était certainement pas un
touriste arpentant les rues de la capitale, sous une pluie battante, pour le
simple plaisir, mais que nous avions plutôt à faire à un homme d’affaire se
rendant à un rendez-vous de travail.
Florence était entrée à I.S
Engineering voilà plus de dix ans, alors que la société n’était alors
qu’une petite start-up noyée au milieu de centaines d’autres, avec un avenir
incertain, et dont le siège social, tout comme les locaux commerciaux, se
situaient dans un petit appartement de 50 m2, celui-là même de son fondateur, où
la cuisine avait été détournée en bureau d’étude, tandis que le salon servait
de lieu d’accueil pour les investisseurs et clients.
La clientèle ne s’était pas
immédiatement bousculée aux portillons et Florence avait souvent dû se
contenter d’un salaire de misère, quelque peu complété par une aide de l’Etat ;
nombreuses furent les fois où elle s’était vu devoir aller pointer à Pôle
Emploi, face aux grosses difficultés financières que rencontraient son patron
et ami, Franck Courtois. Mais la croyance de ce dernier dans la viabilité de sa
société, ainsi que sa persévérance, avaient fini par porter ses fruits et,
après presque deux ans d’une existence chaotique, la petite start-up avait
décroché un gros client, le client.
Aujourd’hui, I.S Engineering employait
douze personnes à plein temps, sous les ordres de Florence qui, depuis fort
longtemps, ne percevait plus d’aide financière de l’Etat ; c’était plutôt
elle qui aidait la France sous le biais de divers impôts.
En dix ans, à mesure de son
expansion, I.S Engineering avait déménagée par trois fois, le dernier
déménagement ne remontant qu’à trois semaines. Le temps du studio étriqué
n’était plus qu’un lointain souvenir et c’était à présent dans un open space de
90 m2, au dernier étage d’un immeuble en comportant quatre, dans le 8e
arrondissement, qu’officiait Florence. Depuis son fauteuil en cuir souple, elle
profitait d’une vue imprenable sur la rive droite de la Seine, grâce à une
impressionnante baie vitrée qui occupait tout le pan de mur donnant sur
l’extérieur.
Terminés aussi les PC archaïques
qui plantaient sans cesse : de magnifique Apple, dernière génération,
trônaient fièrement sur les bureaux en composite, aux côtés de tablettes
tactiles de la même marque.
Toutefois, quelques points noirs
venaient entacher l’idéalisme de ce nouveau paradis du travail. Il y avait tout
d’abord l’odeur persistante de peinture fraîche, témoignage olfactif de la
remise à neuf du local, mais aussi, et par-dessus tout, la climatisation hors service
depuis plus d’une semaine. A par la vue sur la Seine, la baie vitrée n’offrait
aucune ouverture sur le dehors mais était redoutable pour en laisser entrer la
chaleur, une chaleur devenue rapidement étouffante avec les fortes températures
qu’avait connue la région parisienne et que le temps automnal de ce jour ne
suffisait pas à faire descendre.
Afin d’éviter que son personnel
ne se liquéfie, Franck Courtois avait investi dans du petit matériel de
substitution, loin de se douter que ce dépannage allait servir aussi longtemps.
De bon vieux ventilateurs, dont les bourdonnements sourds invitaient à la
sieste, surtout après la pause déjeuner, offraient un semblant de fraîcheur
plus ou moins satisfaisant.
Faute de place sur les plans de
travail, la plupart des ventilateurs étaient posés à même le sol. Florence
avait glissé le sien sous son bureau de façon à ce que l’air soufflé, par
petites vagues successives, se glisse sous sa robe en d’agréables caresses tout
le long de ses cuisses. Etait-ce efficace en termes de rafraîchissement ?
allez-vous vous demander : Florence semblait pleinement s’en satisfaire.
L’homme au trench atteignit sa destination au moment
où la pluie semblait montrer quelques signes d’affaiblissement. Il leva les
yeux vers le ciel et un observateur attentif aurait pu se demander ce qui, à
cet instant, était le plus menaçant : le regard noir de l’inconnu, où les
gros nuages chargés d’eau.
Dès qu’il pénétra dans le hall de
l’immeuble, l’homme fut surpris par la chaleur moite qui y régnait, une
sensation qu’il trouva des plus désagréables
après avoir passé un si long moment sous la pluie. « Ils ont mis le
chauffage ? », s’interrogea-t-il tout en retirant son trench.
Cinq sociétés, pratiquement une par
étage, ce partageaient les lieux. Certainement pour un souci d’économie, il n’y
avait pas d’hôtesse d’accueil, mais simplement une grande plaque murale,
imitant grossièrement le marbre, sur laquelle étaient gravées les raisons
sociales avec l’étage correspondant. « Etrange façon d’accueillir pour une
entreprise commerciale », pensa-t-il tout haut.
Florence étira ses longues jambes fines sous le
bureau en écartant exagérément les jambes. Les courants d’air, provoqués par la
soufflerie du ventilateur, montèrent plus haut sur ses cuisses, jusqu’à venir
lécher sa petite culotte. Elle poussa un soupir silencieux et observa un moment
les légères ondulations de sa robe, comme de petites vagues venant mourir au
pied d’une plage, puis ferma les yeux.
La nuit avait été courte pour
elle, bien plus qu’elle ne l’avait imaginé en quittant son travail, la veille,
pour se rendre à la pendaison de crémaillère de l’une de ses amies. Cette
dernière, directrice commerciale à Disney, avait fait venir beaucoup de monde
pour inaugurer sa prise de possession de sa villa en Seine et Marne, non loin
de Fontainebleau, et, parmi la foule d’invités, Florence avait eu la surprise
de retrouver un amant qu’elle n’avait plus revu depuis de nombreux mois. Avec
lui, elle avait inauguré une partie sombre du grand jardin d’une manière si
intense, que son corps en vibrait encore ce matin.
La porte d’entrée, située à la
droite de son bureau, s’ouvrit brusquement et la tira de ses rêveries en
sursaut. Elle se redressa vivement et retrouva une contenance très
professionnelle avec une rapidité déconcertante.
« Monsieur ? dit-elle
dans un large sourire lorsque le nouveau venu se trouva devant elle.
« Philippe Montal. J’ai
rendez-vous avec monsieur Courtois. »
Un étrange courant traversa le
corps de Florence lorsque Philippe planta ses yeux noirs dans les siens. Il
n’était pas nécessairement le plus bel homme qu’elle eut rencontré, mais il se
dégageait de lui un charisme à couper le souffle.
« Je n’étais pas au courant
que monsieur Courtois attendait quelqu’un, répondit-elle d’une voix un peu
rauque.
« Pourtant, mademoiselle, je
vous assure qu’il m’attend bien ! »
La façon dont il avait prononcé le
« mademoiselle » la fit frissonner et ce fut à cet instant qu’elle
s’imagina poursuivre les ébats de sa nuit passée avec cet inconnu.
Même s’il donnait l’impression de
n’avoir jamais quitté les yeux de sa vis-à-vis, Philippe avait parfaitement détaillé
la jeune femme. Au-delà de sa beauté indéniable, elle présentait un charme
saisissant, une volupté naturelle qui, même s’il n’en montrait rien, ne le
laissait pas indifférent. Sa robe, qui lui tombait au-dessus des genoux,
épousait divinement les courbes de son corps, tout en s’ouvrant sur un superbe
décolleté. Sa chevelure, virant sur le châtain clair, était relevée en un
chignon simplement maintenu par une pince, découvrant une nuque ravissante et
des épaules légèrement dorées par le soleil. Au fond de son regard noisette,
luisait une lumière malicieuse des plus attendrissantes.
« Et vous êtes ?
demanda-t-il.
« Je m’appelle Florence,
Florence Giroird. Je suis l’assistante de monsieur Courtois.
« Eh bien, mademoiselle
Giroird, vous serait-il possible de m’annoncer auprès de monsieur
Courtois ? »
Malgré son chapeau trempé sur la
tête et son trench, suspendu à son bras droit, dans le même état, Philippe conservait
une prestance imposante, le tout dans une élégance, qui semblait lui coller
comme une seconde peau, assortie à une sorte d’arrogance naturelle.
« Bien sûr, monsieur,
répondit-elle d’une voix plus assurée, j’y vais de ce pas. En attendant, si
vous le désirez, vous pouvez laisser votre manteau et votre chapeau sur le
portant, juste là, ajouta-t-elle en indiquant un porte-manteau près de la baie
vitrée. Je reviens immédiatement ! »
Cela faisait plus d’une heure que Franck était
enfermé dans son bureau avec Philippe Montal et Florence imaginait que ce
dernier devait être un futur client rudement important. En règle générale,
c’était à elle qu’incombait la responsabilité de négocier les gros contrats,
une tâche dont elle s’acquittait toujours à merveille ; Franck gérait
plutôt la partie investissement. Mais, à sa connaissance, I.S Engineering n’était
plus à la recherche d’investisseurs ; il ne pouvait donc s’agir que d’un
contrat avec un nombre indécent de chiffres.
Ce qui intriguait le plus
Florence, c’était qu’il n’y avait aucun rendez-vous de noté dans l’agenda de
Franck, que ce soit pour ce fameux Philippe ou pour toute autre personne, comme
s’il avait voulu le garder secret jusqu’à la dernière minute. Plus elle y
réfléchissait, plus la situation la plongeait dans une certaine perplexité.
Elle leva la tête de son
ordinateur et regarda rêveusement le trench et le chapeau qui avaient fini par
totalement sécher sur le porte-manteau. Sa perplexité s’effaça subitement pour
céder la place à une autre forme de trouble.
Florence était une femme libre et
libérée, une de ces personnes qui croquent la vie à pleines dents, sans se
soucier du qu’en dira-t-on des moralisateurs de pacotille. Changeant
régulièrement d’amants, elle se moquait éperdument qu’on la prenne pour ce
qu’elle n’était pas, même si, un temps, cela l’avait fortement agacée. Après
tout, pourquoi une femme coureuse de pantalons serait une salope, alors qu’un
homme, coureur de jupons, n’étaient ni plus ni moins qu’un Don Juan ? Elle
aimait les plaisirs du sexe, au même titre que le sexe, dit fort, pouvait les
aimer, en solo, en duo et parfois même en trio, et elle n’était pas plus salope
que pouvait l’être un Don Juan.
Toutefois, paradoxe de sa
personnalité, elle affichait une certaine réserve au premier abord et
succombait rarement à un premier rendez-vous ; aimer le sexe ne signifiait
pas pour autant coucher n’importe quand, n’importe comment. Il lui arrivait
bien, comme cela arrive à la plupart des hommes et des femmes, de se retourner,
dans la rue ou au centre commercial, au passage d’un bel homme et de se dire
qu’elle en ferait bien son quatre heures, mais, avec ce Philippe Montal, il
semblait se passer quelque chose de bien plus fort en elle. Elle éprouvait le
désir de le sentir contre elle, de le toucher, de le caresser, de le faire
naître entre ses mains, ses doigts, ses lèvres… Que lui arrivait-il donc ?
Elle secoua vivement la tête pour
chasser ses idées lubriques et regarda l’heure affichée dans un coin de l’écran
d’ordinateur. Il était presque 13 heures et l’open space, à l’exception de
Florence, avait été déserté de tous ses employés partis déjeuner. Ce n’était
pas la première fois qu’elle sautait sa pause repas ; elle le faisait
assez régulièrement, durant certaines fins de semaines, pour boucler des
dossiers sensibles qu’un simple weekend pouvait faire capoter. Celui sur lequel
elle planchait actuellement était pratiquement clôturé ; seulement
quelques détails à peaufiner. Elle s’étira sur son fauteuil, levant les bras
vers le plafond, et bailla à s’en décrocher les mâchoires. Elle avait besoin de
faire une pause, de se dégourdir les jambes.
Contre toute attente, le ciel
parisien s’était finalement défait de ses lourds nuages et les rayons du soleil
frappaient à présent le verre épais de la baie-vitrée.
« Bon ! s’exclama-t-elle.
Dix minutes de pause pour se remettre les idées dans le bon ordre ! »
Si la poignée de main de Philippe Montal était ferme
et chaleureuse, celle de Franck Courtois était nettement plus molle et beaucoup
moins sympathique au moment de prendre congé de son rendez-vous.
« Le temps de faire établir
les papiers par nos avocats, lui dit Philippe, je pense que nous pourrons
finaliser la chose d’ici la fin de semaine prochaine. Vous avez pris la
meilleure décision, croyez-moi.
« Je ne suis pas certain,
répondit Franck d’un ton glacial, que de choisir des requins soit une bonne
décision !
« En aviez-vous un
autre ?
« Non, et vous le
savez ! »
Florence pestait intérieurement devant la porte de
l’ascenseur désespérément close. Pour la troisième fois de cette semaine, la
machinerie semblait ne pas avoir résistée à la chaleur.
« Décidemment, dit-elle à
haute voix pour elle-même, tout a été refait à neuf, mais rien ne
fonctionne ! »
Elle enfonça rageusement le bouton
d’appel à plusieurs reprises, mais rien ne se produisit, pas même un cliquetis.
« Un problème ? »
demanda une voix grave derrière elle.
Florence se retourna en sursaut
et son coeur sembla vouloir bondir hors de sa poitrine lorsqu’elle découvrit
qui s’adressait à elle. Dans une posture droite et fière, toujours avec cette espèce
d’arrogance attirante, Philippe la fixait avec une lueur d’amusement au fond
des yeux. Il avait desserré son nœud de cravate, retroussé ses manches de
chemise, tenait son trench pendu à un bras et portait son chapeau légèrement de
travers, comme une négligence savamment calculée.
« Il a une classe
incroyable ! », pensa Florence dont le corps s’éveillait à nouveau à
un brutal désir.
« Un problème ? répéta Philippe.
« Oui. Enfin non… C’est un
problème sans l’être vraiment ; l’ascenseur est à nouveau hors service.
« A nouveau ? Cela
arrive donc si souvent ?
« Tout a été refait, ici. Il
faut sans doute un temps de rodage ! répondit Florence en affichant un
sourire qui fit encore plus briller ses yeux.
« Je vois… Un peu comme la
climatisation ?
« Oui… Votre rendez-vous
s’est-il bien passé ?
« Il a été concluant,
répondit évasivement Philippe. Mais monsieur Courtois vous en parlera beaucoup
mieux que moi. Vous partiez ?
« Comment ? Ah, oui…
non… Juste besoin de prendre un peu le frais !
« Je ne peux que vous
comprendre. Nous prenons les escaliers ?
« Il me semble que c’est la
seule chose qu’il nous reste à faire », soupira Florence en jetant un
dernier regard rageur aux portes de l’ascenseur.
Philippe était parfaitement
conscient du trouble qu’il jetait sur Florence. Il l’avait même remarqué
quelques secondes seulement après avoir pénétré dans l’open space. De son côté,
plus il l’observait, plus il était fasciné par ce qui se dégageait de sa
personne, quelque chose d’indéfinissable et mystérieusement envoûtant, comme
une aura qui émanait de son être et qui pouvait piéger, dans un tourbillon
émotionnel, celui qui n’y prenait garde.
Mesurant une tête de plus
qu’elle, il profitait d’une vue superbe sur le décolleté et, en observant la
poitrine qui se soulevait au rythme d’une respiration courte et rapide, il se
dit qu’il se laisserait bien tenter par ce tourbillon.
« C’est par ici,
monsieur », lui dit Florence qui semblait avoir suivi le cheminement de
ses pensées.
Philippe emboîta le pas de la
jeune femme, se délectant de sa démarche chaloupée qui faisait divinement
danser ses hanches.
Florence se sentit soudainement
nerveuse. Elle ressentait le poids du regard de Philippe sur elle, comme s’il
s’agissait d’une longue caresse invisible qui faisait vibrer ses chairs. Sa
nervosité s’accentua encore plus lorsqu’elle réalisa que sa culotte était en
train de s’humidifier. « Ressaisis-toi, ma belle », pensa-t-elle au
moment où un bras entrait dans son champ de vision.
« Je vous en prie,
mademoiselle. »
Philippe poussa la porte donnant
sur le couloir d’escaliers et s’écarta juste assez pour que Florence puisse
passer. Un parfum subtilement épicé le porta au bord du chavirage.
« Cela fait longtemps que
vous travaillez pour monsieur Courtois ? »
Pour répondre, Florence stoppa
sur la première marche et se retourna un peu trop vite, percutant ainsi le
torse de Philippe. Perdant l’équilibre, elle tenta de se retenir à la rambarde,
mais Philippe fut plus rapide et l’attrapa par la taille, avant qu’elle ne
parte en arrière, laissant son trench mourir entre deux marches.
Bien que le risque de chute fut
définitivement écarté, l’étreinte s’éternisa, pour le plus grand plaisir de
Florence. Les mains qui la maintenaient, juste au-dessus des fesses, avait une
puissance insoupçonnable pour un homme à la carrure si fine.
« Vous alliez me dire ?
murmura Philippe.
« Dix ans… Cela fait dix ans
que je travaille avec lui… non pas pour lui.
« Dix ans ? Une
longévité et une fidélité des plus surprenantes de nos jours. »
Florence leva les yeux et les
planta dans ceux de Philippe. Ce qu’elle y lut à cet instant fit bouillonner
son corps.
« Il n’y a qu’au travail que
ma fidélité est surprenante ! » ne put-elle s’empêcher de répondre.
Sous l’effet de la poitrine
collée tout contre lui, opulente et ferme, une intense chaleur fondit sur Philippe,
le recouvrant de la racine des cheveux à la pointe des pieds, en réveillant, au
passage, son sexe recroquevillé dans son caleçon. Il tenta de se ressaisir, de
reprendre le contrôle avant que les choses n’aillent plus loin, car l’endroit
n’était pas choisi pour le style de débat qui se dessinait, mais cela était
sans compter sur Florence qui avait totalement basculée dans les jardins
d’Eros.
« Non !
s’exclama-t-elle lorsque Philippe ouvrit la bouche pour dire quelque chose.
Tais-toi ! Prends-moi ! Maintenant ! »
Philippe n’était pas du genre à
se fixer des barrières, dès l’instant où sa partenaire du moment n’en mettait
pas elle-même. Même si tout allait très vite, trop sans doute, cette fin de
rendez-vous improbable correspondait à son personnage et, cédant à ses
pulsions, il se jeta sur les lèvres pulpeuses qui se tendaient vers les siennes,
se fraya un passage entre les deux rangées de dents et une joute de langues
endiablée s’engagea aussitôt. Il restait bien une petite voix, au fond de son
esprit, qui lui soufflait que tout ceci était sans doute une mauvaise idée pour
la suite, pour ce qui s’apprêtait à arriver à I.S Engineering, mais
elle parlait en pure perte : toute raison s’était enfuie face à la
puissance du désir charnel.
Dans la tête de Florence, il n’y
avait pas la moindre petite voix de sagesse, mais plutôt celle d’une diablotine
qui la poussait, si besoin en était, à se lover encore plus contre le corps du
mâle. Déjà, elle sentait une bosse généreuse contre son bas-ventre et des
dizaines d’explosions de chaleur balayaient tout son être.
« Prends-moi !
répéta-t-elle dans un souffle. Sois un vilain gros chaton !
« C’est bien la première
fois que l’on me nomme ainsi.
« J’ai toujours aimé les
premières fois ! »
Florence sentit s’embraser ses
entrailles lorsque les mains viriles passèrent sous sa robe, glissèrent sur sa
peau nue, avant de se faufiler sous sa culotte pour venir pétrir ses fesses
sans aucun ménagement. N’y tenant plus, elle se décolla légèrement de Philippe,
juste assez pour pouvoir glisser une main sur la proéminence qui déformait le
pantalon.
« Et j’aime encore plus ce
que je sens », dit-elle en faisant descendre le zip de la fermeture
éclair.
Elle plongea la main dans le
pantalon. En s’érigeant, la verge, prisonnière d’une cage en tissu devenue trop
étroite, s’était mise dans une étrange position, certainement très
inconfortable. Ce fut donc pour son bien que Florence la tira vers l’extérieur
où elle acheva de s’épanouir, de grandir, de grossir, de durcir entre ses
doigts sans qu’elle n’eut besoin de faire quoi que ce soit pour. Elle lâcha le
membre et se recula de quelques pas pour apprécier au mieux la vue. A la simple
idée que ce sexe, magnifiquement tendu vers elle, allait bientôt l’honorer, sa
culotte en devint poisseuse sous les larmes de désir qui s’écoulait de son
intimité en feu. Elle résista à l’envie, pourtant très forte, de se laisser
tomber à genoux pour embrasser ce gland turgescent qui l’appelait avec tant de
tendresse, une résistance poussée par un reste de raison : bientôt, les
employés travaillant dans l’immeuble allaient revenir de la pause déjeuner et,
si l’ascenseur ne fonctionnait toujours pas, ils emprunteraient les escaliers
pour rejoindre les différents étages. Tous deux n’avaient plus que très peu de
temps pour assouvir leur envie de sexe. Curieusement, l’idée que Franck
Courtois, toujours dans son bureau, puisse décider de sortir et pousser la
porte tout près d’eux ne l’effleura même pas.
« Je suis honoré, monsieur,
de vous voir en si belle disposition !
« Tu me vouvoies à
nouveau ?
« Oui… Nous ne sommes pas
encore assez intimes ! »
Pour toute réponse, Philippe saisit
brusquement Florence par les épaules et la força à se retourner. Comprenant ce
qu’il attendait d’elle, celle-ci s’arc-que-bouta et pris appuie, des deux
mains, sur le mur face à elle. Après quoi, elle attendit dans une sagesse qui
ne lui ressemblait pas vraiment.
Philippe apprécia un instant la
courbe en arc de cercle qui partait du fessier, pour plonger au creux des reins
avant de remonter vers les épaules, puis il releva la jupe jusqu’aux hanches.
Il esquissa un sourire de satisfaction en remarquant les traces du désir
féminin qui maculaient la culotte blanche dentelée de rouge. Il glissa une main
entre les cuisses fermes et frémit de plaisir sous la chaleur qui s’en
dégageait. Il avait envie d’y plonger son visage pour se délecter de ce jus
naturel si divin, mais lui aussi savait qu’il ne fallait pas s’éterniser dans
un tel lieu. Il poussa un petit soupir de dépit, écarta le sous-vêtement et
porta son sexe à l’entrée de la caverne ruisselante.
Florence se cambra un peu plus
lorsque le gland se fraya un chemin entre ses lèvres. La verge s’enfonça
lentement en elle, s’enveloppant de toute son humidité accueillante, écartant
délicieusement ses chairs. Enfin, elle sentit les cuisses de son amant percuter
ses fesses et le sexe s’immobilisa en elle. Mais, en se concentrant sur ses
sensations, il lui sembla que la verge n’était pas si immobile que cela,
qu’elle avait pris une proportion phénoménale en elle et battait tel un
puissant cœur qui faisait trembler toutes ses fibres intérieures.
Philippe posa les mains sur la
croupe de sa cavalière et commença à s’activer en elle en se retirant lentement,
pour replonger avec une certaine brutalité qui résonnait en un long écho dans
le couloir silencieux. Florence tentait, du mieux qu’elle le pouvait, de
contenir ses gémissements, les poings crispés contre le mur, mais, peu à peu,
le plaisir plongeait son esprit dans une douce torpeur qui lui faisait oublier
où elle se trouvait. Bientôt, elle n’eut plus en tête que l’image de ce sexe
nervuré qui la pilonnait avec tant d’habilité.
Dans cette position, la verge
frottait sur une partie très sensible de sa paroi vaginale, surtout dans la
phase pénétration. D’abord, le gland venait y butter, puis suivait la hampe dans
toute sa longueur. A mesure des va-et-vient, la sensibilité s’accroissait et de
puissantes décharges électriques la faisaient se tordre de plaisir. Son corps
ondulait, porté par une marée, sans cesse grossissante, qui asséchait sa gorge.
La sueur perlait à grosses gouttes
sur le front de Philippe.. Les effluves de l’orgasme commençaient à bouillonner
en lui ; lentement, la sève se formait dans ses testicules,
tourbillonnante, fin prête à une
puissante libératrice.
Un écho plus fort vint troubler
celui des cris étouffés. Au rez-de-chaussée, une porte avait été ouverte et des
voix joyeuses montaient jusqu’aux oreilles du couple.
Le cœur de Florence s’emballa
dans sa poitrine. La peur soudaine de se faire surprendre porta son excitation
à son summum. Une trombe chaude éclata dans ses reins, la souleva presque du
sol, et elle dut se mordre les lèvres pour s’empêcher de crier. Au même moment,
Philippe se retira totalement et, dans un long râle rauque, il s’épancha sur
les hanches et les fesses de sa maîtresse, tandis que les voix se faisaient
dangereusement plus proches. Il eut tout juste le temps de récupérer son trench
pour cacher son sexe en érection, avant que trois employés de I.S Engineering n’apparaissent dans
son champs de vision. La seule femme du trio jeta un rapide regard à Philippe,
puis s’attarda plus longuement sur Florence qui, bien que troublée par le
sperme chaud qu’elle sentait couler le long de ses fesses, parvenait à afficher
une certaine contenance.
« Tu as finalement décidé de
prendre une pause », lui dit l’employée avec un sourire en coin et un clin
d’œil chargé de sous-entendus.
Franck Courtois se recula précipitamment et réussi à
regagner l’open space avant que l’un des employés ne tire la porte du couloir.
Il était à la fois troublé et enragé par la scène à laquelle il avait assisté,
troublé d’avoir été un voyeur passif, enragé de penser que ce Montal avait
obtenu en quelques secondes, ce qu’il n’avait jamais réussi à avoir en plus de
dix ans..
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