Le
mois de mars s’avançait lentement, apportant son lot de surprises météorologique
au quotidien ; le printemps avait entamé son combat face à l’hiver, le
repoussant inexorablement à ses frontières et provoquant des cinétiques dans le
ciel d’une beauté époustouflante, surtout si l’on se trouvait, tout comme Eric,
dans un paysage montagneux. Les nuages gris se mêlait au bleu azur et offrait
une palette de couleur parfois surréaliste, mystérieuse, voire inquiétante par
moment ; les hautes cimes, perdant peu à peu leurs couleurs hivernale, se
détachaient étrangement à l’horizon, comme si elles voulaient déchirer le ciel
encore menaçant.
Bien
que restant concentré au volant de sa voiture, Eric ne pouvait s’empêcher
d’être de plus en plus gagné par la beauté du paysage qui se dressait devant
lui, à mesure qu’il approchait de Peñafiel, petite ville de la province autonome de Castilla y Léon. La
forteresse du Xe siècle se dessinait lentement devant lui, force imposante
érigée sur un éperon rocheux.
Il
était en Espagne depuis quelques jours déjà, à la fois pour le tourisme et pour
son travail : il était en repérage car il allait situer l’histoire de son
prochain roman dans ce pays qu’il connaissait si peu encore et était en quête
de lieux à forts caractères, possédant une empreinte ancestrale très forte. Un
de ses amis lui avait parlé de Peñafiel, de sa Plaza del Coso et de
l’impressionnant château médiéval de 210 mètres de long. Après avoir vu
quelques photos sur une brochure, il avait senti qu’il pourrait sans doute y
trouver le début d’un fil conducteur pour l’histoire qui commençait à germer
dans son esprit.
Il
était tout juste 10 heures lorsqu’Eric arriva dans ce qui fut autrefois le
village de Peñafiel, aujourd’hui son centre-ville. Les visites du château ne
commençant pas avant 11 heures, il décida de marquer une petite halte afin de
prendre quelques photos de la Plaza del Coso, d’où, lui avait-on dit, il y
avait une vue superbe sur la forteresse en surplomb.
Ne
trouvant pas de place où se stationner aux abords de la place, il alla se garer
sur le parking spécialement aménagé pour accueillir les touristes ; en
cette période peu vacancières, il n’eut que l’embarra du choix : toutes
les places étaient vides.
Le
fond de l’air était plutôt doux, mais le vent, soufflant par moment en fortes
rafales, apportait une fraîcheur bien prononcée qui vivifiait l’organisme. Il
leva les yeux vers la hauteur de l’éperon rocheux et resta un instant
contemplatif face à la forteresse. De par sa forme, elle donnait l’impression
d’un immense paquebot échoué, par on ne sait quel sortilège, sur la hauteur
d’un haut plateau. Les murailles se découpaient parfaitement bien sous un ciel
se chargeant de nuages allant d’un gris pâle à un noir du plus menaçant.
Il
prit son reflex dans le coffre de sa voiture, effectua quelques réglages et
appuya plusieurs fois sur le déclencheur. Puis, vissant correctement sa
casquette en coton beige sur sa tête, il quitta le parking pour se rediriger vers
centre-ville Il progressa au travers de ruelles plus ou moins étroites, regrettant
que le soleil ne se fasse pas plus présent pour jouer avec les façades
multicolores des petits bâtiments de trois à quatre étages. Du jaune vif au
bleu outre-mer, en passant par différentes teintes de mauve, chaque mur avait
sa propre couleur, comme s’ils répondaient à un code bien précis dont la
signification restait une véritable mystère, et le tout s’harmonisait
parfaitement bien en donnant l’impression d’une quiétude au promeneur.
Pris
sous le charme, Eric effectua de nouveaux réglages sur son reflex, en fonction
de la luminosité des lieux, et prit une longue série de clichés, escomptant
pouvoir en tirer quelques photos de bonnes factures qu’il pourrait regarder à
loisir lorsqu’il entamerait l’écriture de son roman ; cela lui permettrait
de mieux se replonger dans l’ambiance du moment, dans les émotions qui le
gagnaient à l’instant même.
Suffisamment
grande pour y installer un terrain de football, la Plaza del Coso est un
rectangle de terre, de couleur plus ou moins ocre, enclavé par 48 bâtiments de
deux et trois étages dont les façades sont un échantillonnage de différentes
teintes de marron, avec, par endroit, quelques petites touches d’un jaune pâle.
A certaines périodes de l’année, comme le dimanche de Pâques et du 14 au 18
août, la place s’habille de barrières de bois pour y accueillir des spectacles
de tauromachie, un vrai pôle d’attraction pour les touristes.
Eric
y déboucha au sortir d’une longue ruelle serpentant entre de petits immeubles.
Quelques minutes auparavant, une immense trouée d’un bleu éclatant s’était
opéré dans le ciel Castillan et, à présent, un chaud soleil baignait la place
en créant de magnifiques ombres sur certaines façades, ou en accentuant les
couleurs d’autres.
Le viseur de son appareil photo
collé à son œil droit, il se mit à photographier tout ce qu’il voyait en
changeant régulièrement d’angle de vue, alternant clichés couleurs et noir et
blanc, jusqu’au moment où il trouva enfin la bonne prise de vue.
Posté à un angle de la place,
levant les yeux, il aperçut la majestueuse forteresse médiévale se détachant
au-dessus des bâtiments. La trouée ne s’était pas encore totalement opérée
au-dessus de l’éperon rocheux ; quelques nuages, allant du gris pâle au blanc,
semblaient s’être roulés sur eux-mêmes et donnaient une impression de vague
immense prête à s’abattre sur le château.
Eric s’accroupit et positionna son appareil
au plus près du sol en le basculant en mode visée écran. Il ajusta rapidement
son cadrage et prit trois clichés en vue montante, englobant à la fois une
grande partie de la place, ainsi que l’éperon rocheux et sa forteresse. Ce fut
à ce moment que débarquèrent une dizaine de touristes, accompagnés par un guide
espagnol. Désireux de pouvoir en apprendre un peu plus sur la Plaza del Coso,
Eric se mêla discrètement au groupe et tendit l’oreille ; même s’il était
loin de maîtriser la langue espagnole, sa compréhension en était néanmoins
suffisante pour suivre un discours qui ne serait pas trop technique.
Dans le groupe se trouvaient deux
jeunes femmes, environ la trentaine, qui se parlaient à voix basses en tenant
devant leurs yeux une brochure de Peñafiel. La première, mesurant dans les
1m70, arborait une longue chevelure blonde où les rayons du soleil donnaient de
beaux reflets, tandis que la seconde, plus petite d’une dizaine de centimètres,
avait des cheveux d’un noir éclatant, coupés en carré légèrement dégradé sur la
nuque. Sans vraiment pouvoir s’expliquer pourquoi, Eric se sentit
irrésistiblement attiré par cette dernière, au point qu’il finit par ne plus
trop écouter les explications du guide, pour se concentrer sur les détails de
l’inconnue.
Il admira un instant le mouvement
de ses lèvres fines, au rouge subtil, et les formes harmonieuses de son visage.
En dessous d’une petite veste en jean entièrement ouverte, elle portait un col
roulé qui épousait parfaitement les courbes de son buste en laissant deviner
une poitrine ferme et généreuse. Une mini-jupe en jean, mais plus claire que la
veste, ceignait une taille gracieuse ; ses jambes étaient gainées dans un
nylon légèrement transparent, leurs donnant un teint hâlé, puis
disparaissaient, au niveau des genoux, dans des bottes d’un gris clair à talons
hauts.
Faisant mine de prendre des photos
des bâtiments, Eric cadra la jeune femme après avoir réglé son reflex en mode
portrait et prit rapidement deux clichés. L’inconnue tourna brusquement le
regard vers lui et il sentit son cœur battre soudainement plus vite :
l’avait-elle surpris ? Ses yeux ressemblaient à deux perles noires
enchâssées dans des écrins en forme d’œil de biche. Elle se détourna aussi vite
qu’elle s’était tournée, replongeant dans sa discussion à voix basses avec son
amie.
Poussé par une envie dépassant son
entendement, Eric s’approcha des deux femmes jusqu’à sentir les effluves du
parfum délicat que portait la brune. Le guide venait de se lancer dans une
explication concernant l’une des particularités des appartements entourant la
Plaza del Coso : le droit de
fenêtre.
-
Tu comprends de quoi il
parle ? demanda doucement la blonde.
-
Non, répondit la brune tout aussi
doucement. Il parle beaucoup trop vite pour mon espagnol scolaire ! J’ai
juste cru comprendre qu’il parlait des fenêtres.
Bien qu’elles s’exprimassent dans
un français parfait, Eric comprit rapidement qu’elles n’étaient pas pour autant
française au vu de leur accent, une tonalité qu’il reconnut rapidement pour
avoir résidé un temps en Suisse.
-
Les anciens propriétaires, pour les
appartements revendus, ou les propriétaires actuels qui les mettent en
location, bénéficient d’un droit de fenêtre et, ce, de génération en
génération, expliqua-t-il en s’approchant encore plus des deux femmes pour leur
parler, lui aussi, à voix basse. Ils utilisent ce droit lors des manifestations
de tauromachie qui ont lieu sur cette place.
Les deux amies dévisagèrent le
nouveau venu avec curiosité et Eric finit par se sentir très gêné par
l’impudence dont il venait de faire preuve en s’immisçant dans une conversation
à laquelle il n’avait pas été invité.
-
Ne croyez surtout pas que je vous
espionnais, mesdames, dit-il sur un ton d’excuse, mais j’ai entendu votre
interrogation et…
-
Mais vous n’avez pas à vous
justifier, répondit la brune en le gratifiant d’un grand sourire. Au contraire,
nous vous remercions pour nous apporter vos lumières !
-
L’idée que des gens puissent encore
éprouver du plaisir à des spectacles de mise à mort me glace le sang !
ajouta la blonde.
-
Dans ce cas, je puis vous
rassurer : il n’y a plus aucune mise à mort de taureau dans les corridas
données ici.
-
A n’en pas douter, vous êtes
français, reprit la brune. Vous vous êtes installé dans la région, ou bien
êtes-vous parfaitement bilingue ?
-
Ni l’un, ni l’autre. J’ai juste
parcouru quelques brochures touristiques !
La brune avait du mal à soutenir le
regard de son interlocuteur. Physiquement, il n’était pas à proprement dit un
bel homme, mais il se dégageait de lui quelque chose qui ne la laissait pas
indifférente. De plus, même s’il parlait à mi-voix, son timbre grave donnait
une chaleur qui lui procura quelques frissons agréables.
-
Cette place est magnifique,
dit-elle en jetant un regard circulaire.
-
Si je puis me permettre, il n’y a
pas que la place qui est belle à cet instant même.
-
Vous parlez du château ?
-
Non, madame, répondit Eric en
plantant son regard dans celui de la jeune femme.
Comprenant subitement l’allusion,
la brune piqua un petit fard, tandis que son amie, placée dans le dos d’Eric,
lui décocha un clin d’œil complice, comprenant bien que l’inconnu lui plaisait.
-
Après l’indiscrétion, voilà que je
dois vous paraître un vil dragueur, reprit Eric à nouveau gêné par une
hardiesse qu’il n’arrivait pas à s’expliquer.
-
Du tout, répondit la brune dans un
large sourire. En revanche, je pense que vous êtes un flatteur !... Je m’appelle
Virginie et voici Magalie, ma seule et véritable amie, presqu’une sœur pour
moi.
-
Ravi de faire votre connaissance,
mesdames, répondit Eric en affichant à son tour un grand sourire. Je m’appelle
Eric, ajouta-t-il en effectuant une petite révérence pour accentuer son salut.
-
Un enchantement que de faire votre
connaissance, monsieur.
-
Vous passez des vacances dans la
région, ou bien naviguez-vous dans tout le pays ? questionna Magalie.
-
Je me contente de parcourir la
région de Castilla y Léon : il y a déjà tant de choses à y voir. Je loue
un appartement à Valladolid, à 70 km, environ, d’ici.
-
C’est où nous descendons ce
soir ! s’exclama Virginie un peu trop fort au goût de quelques touristes
qui se retournèrent sur elle en lui lançant des regards réprobateurs.
-
Je crois que nous sommes en train
de gêner un peu, chuchotant Magalie en étouffant un petit rire.
Le guide haussa soudainement le
ton, non pour rappeler le trio à l’ordre, mais plus pour s’assurer de capter
l’attention de tout son groupe. Il expliqua, en prenant soin de bien détacher
chaque mot afin d’être compris de tous, que le château allait ouvrir aux
visites dans une demi-heure et qu’il était donc temps de rejoindre l’autocar.
Il ajouta que, après la visite, tout le monde aurait quartier libre pour
visiter Peñafiel et, ce, jusqu’à 17 heures.
Virginie fit la moue à l’idée de
déjà quitter l’inconnu qui les avait abordées. Même si elle ne savait rien de
lui, elle ne pouvait occulter le fait qu’elle était bizarrement attirée par lui,
assez, en tout cas, pour souhaiter passer encore un peu de temps en sa
compagnie. Cela faisait bien longtemps qu’elle n’avait éprouvé un tel désir.
-
Vous restez encore un peu
ici ? demandant Magalie, devinant que son amie brûlait d’envie de poser
cette question, mais qu’elle n’osait le faire.
-
Je ne sais pas encore, mais je vais
aussi visiter la forteresse.
-
Dans ce cas, que diriez-vous de
nous retrouver là-haut pour faire cette visite ensemble ?
-
Bien sûr, à condition que votre
amie soit d’accord.
-
Il n’y a rien qui pourrait me faire
plus plaisir ! s’empressa de répondre Virginie. Je suppose que vous êtes
en voiture ?
-
Oui. On se retrouve là-haut !
Lorsqu’Eric arriva sur le petit
parking au pied du château, trois autocars y étaient déjà stationnés. Il
imagina que l’un d’eux, le plus petit des trois, devait être celui qui amenait
Virginie et son groupe.
En quittant la Plaza del Coso, il
avait remarqué les autocars stationnés en double file à la sortie, tandis qu’il
avait dû marcher un peu pour rejoindre sa voiture, ce qui expliquait qu’il
arriva plus tardivement. Il espéra, toutefois, que la première visite n’était
pas encore partie ou, tout au moins, que les deux amies se trouvaient toujours
à l’accueil du château.
La vue sur les
vallées est époustouflante ! pensa-t-il en descendant de sa
voiture. Il hésita un moment entre prendre quelques photos, ou bien se rendre
immédiatement à la billetterie, et son envie de retrouver Virginie fut la plus
forte.
Il était surpris par ce désir
fulgurant qui s’était emparé de lui, pas une simple pulsion sexuelle, mais une
véritable envie de passer du temps avec la jeune femme. Pourtant, à la
quarantaine bien sonnante, il pensait avoir passé ce type de coup de cœur
d’adolescent. Mais le moment n’était ni aux questionnements, ni aux analyses
comportementales. Il prit son appareil photo et monta prestement les quelques
marches qui menaient à l’accueil des visiteurs.
Malgré la présence des trois
autocars, la billetterie était déserte, preuve que la première visite du
château était partie à l’heure. Le visage empreint d’une certaine déception,
Eric jeta un regard dans la salle, tout autour de lui, et ne put réprimer un
soupir de soulagement en apercevant Magalie. Elle se tenait au pied d’un
escalier dont une petite pancarte indiquait qu’ils menaient aux toilettes.
-
Vous voilà enfin !
s’exclama-t-elle tout sourire. Nous commencions à nous demander si nous ne vous
avions pas manqué !
-
Ma voiture était garée beaucoup
plus loin que votre autocar, répondit Eric sur un ton d’excuse.
-
Le principal est que nous nous
soyons retrouvés. Virginie est descendue aux toilettes, en me demandant d’épier
votre arrivée ; elle m’aurait étripé si je vous avais loupé ! Maintenant
que vous êtes là, je vais pouvoir y aller à mon tour… aux toilettes, je veux
dire.
-
J’avais bien compris, s’esclaffa
Eric, mais où est le reste de votre groupe ?
-
Déjà en train de visiter. Comme
nous avons quartier libre, après, nous avons décidé de nous en séparer
provisoirement… ce qui va vous obliger à nous ramener, toutes deux, à Peñafiel
à l’issue de la visite !
-
Ce sera plus un plaisir qu’une
obligation.
-
Virginie a raison : vous êtes
un charmeur ! Allez prendre votre billet : il y a un prochain départ
dans dix minutes pour une visite guidée.
-
Très bien. Je vois que ce château
comprend aussi un musée du vin ; vous avez pris quoi comme option de
visite ?
-
Le vin, nous préférons le boire
plutôt que d’en étudier son histoire, tout aussi passionnante soit-elle ! Donc,
nous avons juste pris la visite du château.
D’épais nuages noirs s’étaient
accumulés au-dessus de l’éperon rocheux, plongeant les lieux dans une pénombre
qui contrastait avec la clarté de l’horizon où le ciel conservait un bleu
foncé. Les quelques montagnes, débouchant pour la plupart sur des plateaux plus
ou moins larges et longs, semblaient entourées par un fin halo blanchâtre,
comme si elles disposaient d’une aura magique soudainement visible à l’œil nu.
Les roches, affleurant par endroit, se paraient de plusieurs teintes et la
végétation, encore très clairsemée, commençait à revêtir un vert éclatant.
La visite démarrait sur une grande
plateforme située à l’aile arrière de la forteresse, un endroit où la vue
s’ouvrait sur un panorama dantesque. La guide espagnole, de petite taille et
d’une quarantaine d’année, laissa quelques minutes aux photographes amateurs, juste
le temps de prendre quelques clichés.
-
Vous prenez beaucoup de
photos !
Eric abaissa son reflex et plongea
son regard dans celui de Virginie dont les yeux noirs semblaient illuminés par
des étoiles intérieures.
-
Mais je ne les garderai pas toutes,
répondit-il d’une voix chargée d’une certaine émotion. Voilà pourquoi j’en
prends autant : pour être sûr d’avoir LA bonne photo !
Virginie sentit à nouveau des
frissons remonter le long de son corps. La seule voix d’Eric lui faisait un
effet qu’elle n’avait pas connu depuis fort longtemps, éveillant en elle des
désirs très charnels.
-
C’est donc votre métier ?
demanda-t-elle d’une voix devenue un peu rauque.
-
La photo ? Non, juste une
passion.
-
Et que faites-vous donc dans la
vie ?
-
J’écris.
-
Vous écrivez ?
-
Oui, des romans.
Sa curiosité piqué à vif, Virginie
aurait voulu pouvoir approfondir le sujet, mais la guide appela tout le monde
autour d’elle : la véritable visite démarrait, alors que les nuages noirs commençaient
à déverser une pluie fine sur la forteresse. Elle expliqua qu’ils allaient
passer le plus clair du temps en intérieur et qu’elle ferait court sur les
parties extérieures si la météo devenait franchement désagréable. Une rafale de
vent, plus violente que les précédentes, salua ses dernières paroles et
Virginie, sans réfléchir, sauta sur l’occasion pour se serrer contre Eric en
faisant mine de vouloir se mettre à l’abri du vent. Dans un réflexe presque
naturel, ce dernier passa un bras autour des épaules de la jeune femme qui
appuya aussitôt sa tête contre sa poitrine. Le parfum qui se dégageait d’elle
flatta les narines d’Eric, qui sentit aussitôt son cœur battre plus fort.
Du coin de l’œil, Magalie observait
le petit manège de son amie avec un grand sourire de satisfaction : cela
faisait bien longtemps qu’elle ne l’avait pas vu aussi détendue et elle se
félicitait de plus en plus d’avoir réussi à la convaincre d’effectuer ce voyage
organisé avec elle.
Toutefois, elle se demandait si
l’attirance visible qu’elle avait pour cet homme était purement sexuelle ou
s’il y avait autre chose de plus profond, ce que l’on appelle communément le
coup de foudre, auquel cas elle espérait qu’elle n’irait pas trop vite dans les
étapes, de peur qu’elle ne se brûle les ailes. Mais après l’année noire qu’elle
venait de connaître, ses longs mois de dépression à la suite de son divorce,
elle ne se voyait pas lui faire une leçon de prudence, alors qu’elle semblait,
enfin, se rouvrir à la vie. La convaincre de venir en Espagne avait été si
ardu…
« D’accord, lui avait-elle
finalement dit après de très longues semaines d’insistance, je vais faire ce
voyage avec toi et on va s’éclater comme deux folles totalement
dévergondées !
« Qu’entends-tu pas
dévergondées ?
« Je parle de sexe ! On
va se trouver des mecs bien bâtis et s’adonner aux multiples plaisirs de la
chair !
« Ma chérie, avait-elle
répondu sans vraiment être convaincue par la sincérité de Virginie, j’en piaffe
d’impatience ! »
Mais Virginie n’était pas revenue
sur sa décision, si ce n’est sur sa volonté de trouver des hommes bien bâtis.
Depuis qu’elles étaient arrivées en Espagne, huit jours auparavant, seule
elle-même s’était ouvertement lâchée sur le sexe, notamment au cours d’une nuit
mémorable dans les bras d’un bel hidalgo à Madrid… Et voilà que, à présent,
elle retrouvait presque l’amie qu’elle avait connue il y a bien longtemps,
intrépide, charmeuse, fonceuse dès qu’elle trouvait quelque chose
l’intéressant. Tant qu’elle n’en
tombe pas amoureuse, pensa-t-elle, tout va bien. Ce qui la surprenait le plus était qu’Eric
n’avait rien de l’homme bien bâti dont Virginie, en d’autre temps, avait
toujours raffolé.
Néanmoins, quelque part elle la comprenait :
il se dégageait un charme profond de cet inconnu, sans doute en partie dû par
son port droit, fier sans être prétentieux, mais aussi en raison de sa voix
grave, chaude, où perçait une pointe d’accent chantonnant ; si Virginie
n’était pas partie en chasse la première, elle se serait certainement laissée
tenter elle-même, même si elle avait bien remarqué que, dès le départ, il avait
été nettement plus sensible aux charmes de son amie qu’aux siens.
-
Tout va bien Mag ?
-
Oui. Je m’efforce de traduire ce
que dit la guide.
-
Elle parle de l’une des
particularités sur la forme de cette forteresse, expliqua aussitôt Eric. Le
château-fort a été bâti en forme de navire, dont la proue, se situant sur
l’aile opposée où nous nous trouvons, surplombe une partie de Peñafiel.
-
Et il y a une raison à cela ?
demanda Virginie.
-
D’après ce que j’ai cru comprendre,
il a été construit en épousant les contours du plateau pour le faire le plus
grand possible, d’où cet aspect de navire.
La pluie doubla brusquement
d’intensité et la guide estima le moment venu de poursuivre la visite à l’abri
des murs épais, une décision qui fut allégrement saluée par tout le monde.
La guide mena son groupe dans la
salle principale de l’une des trente-deux tours, en expliquant que cet endroit
avait servi, autrefois, de pièce à vivre pour la noblesse occupant les lieux. Bien
que de taille peu imposante, la salle avait accueilli une cuisine et une salle
à manger. Deux hautes et larges fenêtres permirent à tout le monde d’admirer la
vue sur Peñafiel, quelques centaines de mètres plus bas, et de se rendre
parfaitement compte de la forme en proue de navire de ce côté du château.
-
Ahora, subimos ! signifia la
guide en passant une petite porte pour s’engager dans un escalier en colimaçon.
Le couloir qui menait au sommet de
la tour était très étroit, obligeant les personnes à monter en file indienne.
Sans que cela fût fait exprès, Eric se retrouva derrière Virginie, ayant ainsi
une vision qu’il ne se serait jamais attendu à trouver au cours d’une visite de
forteresse médiévale.
Les marches étant vraiment très
hautes, Virginie devait lever haut les genoux pour accéder à chacune d’elles,
ce qui avait pour effet de découvrir un peu plus ses cuisses, suffisamment pour
qu’Eric se rende compte qu’elle portait des bas et non des collants. S’il fut
gêné dans un premier temps, il se retrouva rapidement à ne plus pouvoir
détacher son regard des deux belles jambes qui dansaient devant lui. Son imaginaire
finit par s’emballer et son esprit alla s’égarer entre les cuisses de la jeune
femme, allant jusqu’à lui donner l’impression qu’il les touchait du bout des
doigts. Dans son rêve éveillé, il parvint même à ressentir le contact des bas,
la partie plus épaisse de la jarretelle autocollante, puis le touché, doux et
chaud, de la peau nue. Sa verge s’éveilla à ses images et il secoua vivement la
tête pour tenter de les chasser au plus vite.
De son côté, sans même se
retourner, Virginie devinait le regard d’Eric posé sur elle. Dès les premières
marches, elle avait compris que sa tenue n’était pas adéquate à une telle
ascension, comme le lui avait suggéré, le matin même, Magalie. En un autre
moment, sans doute aurait-elle regretté de ne pas avoir écouté les conseils de
son amie, mais, pour l’heure, sachant qui se trouvait derrière elle, elle s’en
félicitait intérieurement.
Elle exagéra ses flexions de jambes
et ressentit les yeux se glissant entre ses cuisses, lui provoquant une petite
chair de poule, comme s’ils avaient le pouvoir de vraiment la caresser. De
petits picotements apparurent au creux de son ventre et elle sentit que son
tanga commençait à s’humidifier. Pour la première fois depuis plus d’un an,
elle se sentait merveilleusement bien, désirable et désireuse ; son corps
de femme renaissait à la vie, vibrait à nouveau pour un homme, même s’il lui
semblait totalement fou que cela soit pour un parfait inconnu. Merci Mag, pensa-t-elle alors qu’ils
arrivaient au sommet de la tour.
-
Sacré ascension ! fit-elle
remarquer à Eric.
Leurs regards se croisèrent un
court instant, un échange fugace mais au cours duquel elle put lire le trouble
qu’elle avait jeté sur lui.
-
Pas trop essoufflé ? lui
demanda-t-elle dans un grand sourire.
-
Je pense que j’aurais pu encore
monter ainsi durant un long moment.
-
Vraiment ?
Une nouvelle fois, la guide stoppa
net leur conversation en se lançant dans de nouvelles explications sur le site.
En tout et pour tout, la visite dura
à peine 45 minutes, un temps très court comparer à la superficie de la
forteresse. Mais une grande partie de celle-ci avait été aménagé pour
accueillir le musée du vin, réduisant, de ce fait, les parties visitables. La
pluie avait cessé de tomber et le ciel semblait vouloir, à nouveau, se
débarrasser de ses nuages menaçants.
-
Avez-vous faim ? demanda Eric
alors qu’ils arrivaient à sa voiture.
-
J’avoue que j’ai l’estomac dans les
talons ! s’exclamèrent Virginie et Magalie à l’unisson.
-
Bien, alors, allons nous trouver un
petit restaurant. Je suis certain qu’il y a de bonnes choses à manger à Peñafiel !
-
Nous sommes prêtes à vous suivre
jusqu’au bout du monde ! lâcha Virginie en piquant aussitôt un fard.
-
Je ne vous cache pas que cela
serait un réel plaisir pour moi, mais je vais tâcher, pour le moment, de ne pas
vous conduire aussi loin !
Eric retourna se garer sur le même
parking que lors de son arrivée et constata que l’autocar des deux jeunes
femmes s’y trouvait aussi, déserté de tous ses passagers, à l’exception du
chauffeur qui piquait une belle sieste
sur son fauteuil légèrement renversé.
Tandis qu’ils traversaient les
ruelles qui commençaient à s’animer pour l’heure du déjeuner, Virginie se
trouva à nouveau assailli par le désir de questionner Eric sur son métier, sur
le type de roman qu’il écrivait ; était-il célèbre ? Mais après ses
moments d’audaces au château, elle se sentait à présent très intimidé, sans
vraiment pouvoir dire pourquoi. Elle se contenta donc d’admirer la beauté des
lieux en silence, laissant Magalie faire la conversation.
Ils arrivèrent devant un bar à la
devanture plutôt modeste, dont un petit plateau d’ardoise indiquait que l’on
pouvait y déguster un cocido fait maison à un prix très intéressant.
-
Avez-vous déjà mangé du
cocido ? demanda Eric.
-
Je ne crois pas, répondit Magalie
en interrogeant son amie du regard.
-
Il s’agit d’un plat typique de la
région de Madrid, leur expliqua-t-il, à base de viandes et de légumes, une
sorte de pot-au-feu.
-
On vous fait entièrement
confiance ! lui dit Virginie.
Le bar était nettement plus grand
que ce qu’il laissait supposer vu de l’extérieur. Un long comptoir occupait
toute la longueur d’une première salle, puis bifurquait en arrondie vers une
arrière salle aménagée de tables et de chaises en bois. Sur les murs, étaient
affichés des posters de taureaux et de matadors, ainsi que quelques photos
prisent lors de festivités sur la Plaza del Coso.
Eric invita les deux jeunes femmes
à s’installer à une table et alla passer commande auprès du patron. Puis il les
rejoignit en s’asseyant à la gauche de Virginie.
-
Endroit charmant, fit Magalie, et assez intimiste !
L’arrière salle, seulement éclairée
par de petites ampoules diffusant une lumière jaunâtre tamisée, était plongée
dans une semi pénombre. Ils étaient seuls, les quelques autres clients,
certainement des gens de Peñafiel, s’étant regroupé à un bout du comptoir, tout
près de l’entrée du bar.
-
En effet, répondit Eric en
souriant. Mais, de cette manière, je peux encore plus profiter de votre
compagnie, mesdames.
-
Voilà qui est joliment
tourné ! Vous me semblez fort bien manier la langue française, fit
Virginie trouvant un prétexte pour poser, enfin, la question qui lui brûlait
tant les lèvres. Quel genre de romans écrivez-vous donc ?
-
J’ai peur que vous ne vous sauviez
en courant si je le vous le dis !
-
Aucun risque pour ma
part : j’ai beaucoup trop faim pour partir d’ici sans n’avoir rien
manger !
-
Erotique !
Ce simple mot eut un effet
électrisant dans tout le corps de Virginie ; elle sentit une onde de
chaleur se propager en elle, de la pointe des pieds jusqu’à la racine de ses
cheveux.
-
Voilà qui est captivant !
s’exclama-t-elle en se tournant de tout son corps vers Eric. Etes-vous
célèbre ?
-
Je n’irai pas jusqu’à dire une
telle chose, mais je vends suffisamment de livres pour en vivre.
Virginie croisa et décroisa ses
jambes en exagérant le mouvement, un peu comme elle avait vu faire Sharon Stone
dans Basic Instinct. Elle
savait que, ainsi tournée vers lui, son vis-à-vis ne pouvait qu’apprécier la
vue à sa juste valeur ; elle sourit intérieurement en voyant le regard qui
se posa sur ses jambes, même si ce fut furtif.
Le mouvement de la jeune femme
rappela à Eric ce qu’il avait pu apercevoir en montant les escaliers en
colimaçon de la forteresse et son désir se réveilla avec une force décuplée. Il
s’enfonça un peu plus sous la table, craignant que Virginie voie la bosse qui,
à présent, devait fortement déformer le haut de son pantalon.
-
Nous aimons beaucoup les œuvres
érotiques, fit Magalie qui n’avait pas perdu une miette de la petite scène. Peut-être vous a-t-on déjà lu ?
-
J’en doute : je ne suis pas
publié en Suisse.
-
Je vois que notre accent nous a
trahies ! Mais, à l’heure de l’INTERNET, il n’est plus vraiment nécessaire
d’être publié dans un pays pour y être lu.
-
C’est vrai, acquiesça Eric en se
mettant à rire.
Ce fut à ce moment que le patron du
bar arriva avec un plateau chargé de trois assiettes copieusement servies, de
couverts, de verres et d’une bouteille d’eau.
-
Je me rends compte que je ne vous
ai pas demandé ce que vous souhaitiez boire, s’excusa Eric. Si vous souhaitez
autre chose que de l’eau…
-
Non, c’est parfait ainsi, répondit
Virginie.
Le patron déchargea son plateau sur
la table et s’éclipsa rapidement, après avoir souhaité un bon appétit à la
compagnie. Virginie revint alors à la charge sur les romans d’Eric et ce
dernier cita les quatre titres qui étaient sortis en librairie française ;
comme il s’y attendait, les deux femmes n’en avaient lu aucun.
-
Il n’y a rien de grave à cela,
dit-il à Virginie qui lui sembla être brusquement mal à l’aise.
-
Certes, mais je pallierai à cette
lacune dès que nous serons de retour en Suisse !
Le repas démarra avec de nombreuses
questions à l’adresse d’Eric, tournant
beaucoup autour du monde de l’érotisme, puis ce fut à ce-dernier d’en apprendre
un peu plus sur les deux suissesses. Il découvrit qu’elles se connaissaient
depuis le collège et étaient toutes deux infirmières dans un hôpital de Genève.
Il apprit aussi que cela faisait bien
longtemps que Virginie ne s’était plus octroyée de véritables vacances.
Doté d’une certaine sensibilité
depuis sa tendre enfance, Eric sentit que la jeune femme était passée par des
moments très difficiles, une période sombre qui n’était pas encore totalement
derrière elle. Il avait envie d’en découvrir un peu plus, mais s’avisa de ne
poser aucune question à ce sujet ; seul le temps définirai ce qu’il pourrait
ou non savoir sur la vie privée de Virginie.
La conversation finit par repartir
sur des choses plus légères et frivoles et le repas s’acheva dans de nombreux
éclats de rire qui firent rayonner les deux femmes et briller les yeux de
Virginie. Alors qu’ils étaient en train de boire un café, Magalie eut l’idée de
prendre des photos souvenirs avec son Smartphone. Elle rivalisa d’ingéniosité
pour arriver à sortir un cliché d’eux
trois réunis, puis elle décida de prendre quelques photos d’Eric et Virginie.
-
Vous ne voulez pas vous rapprochez
un peu ? demanda-t-elle subitement.
Ne se le faisant pas répéter deux
fois, Virginie se leva de sa chaise pour s’assoir sur les genoux d’Eric.
D’abord surpris, celui-ci finit par lui passer un bras autour de la taille,
tandis qu’il posait son autre main sur une cuisse, juste au-dessus d’un genou.
Le contact avec le nylon le fit frissonner.
-
Vous êtes parfait ! s’exclama
Magalie.
Devinant que Virginie se régalait
de cet instant, elle prit tout son temps pour cadrer la photo et prendre
plusieurs clichés.
Le souffle de plus en plus court en
raison de l’émotion qui l’étreignait, Virginie se sentit à nouveau assailli par
de nombreux picotements dans le ventre. La main virile, dont elle ressentait
parfaitement la chaleur au travers de son bas, avait de longs doigts fins et
elle se les imagina progresser lentement vers le haut de sa cuisse, s’infiltrer
au creux de son intimité, la caresser tout doucement. Sa gorge se nouait et,
plus que jamais, elle avait envie qu’Eric s’enhardisse, que ce qu’elle était en
train de s’imaginer devienne réalité.
-
Vous avez des mains magnifiques,
murmura-t-elle en le fixant dans les yeux.
A présent, Eric avait vraiment très
chaud ; sa verge était tendue à l’extrême et il dut faire un immense
effort pour ne pas laisser échapper un soupir lorsque, se déplaçant un peu,
Virginie colla une fesse sur son sexe. Ils échangèrent un long regard ;
elle venait de se rendre compte de l’effet qu’elle lui faisait.
-
Je suis flattée, dit-elle
simplement dans un murmure.
Ce fut comme un signal déclencheur
dans la tête d’Eric, un désinhibiteur qui lui fit oublier où il se trouvait.
Doucement, sa main remonta le long de la cuisse, disparut sous la jupe, passa
la jarretelle autocollante et, enfin, il promena ses doigts sur la chair nue.
Virginie ferma les yeux pour mieux
savourer cette caresse inattendue et pourtant tant attendue et écarta un peu
plus les jambes pour faciliter le chemin des longs doigts fins. Son cœur
battait très fort et une foule d’images érotiques se bousculèrent dans son
esprit. Elle s’étonnait d’avoir envie de se livrer ainsi, à un inconnu, dans un
lieu inconnu et public, mais son corps de femme semblait avoir pris tout
pouvoir sur sa raison.
La présence de Magalie ne la
perturbait pas réellement : avant qu’elle ne rencontre l’homme qui allait
devenir son mari, puis son ex-mari, toutes deux avaient fait des choses bien
plus folles. En revanche, elle découvrait le surplus d’excitation apporté par
la présence des autres clients du bar, qui pouvaient surprendre, à tout moment,
le jeu sexuel qui se déroulait presque sous leurs yeux.
Elle ouvrit brusquement les paupières
lorsque les doigts se promenèrent sur l’ultime rempart qui protégeait son intimité ;
sa gorge se noua encore plus sous la poussée d’adrénaline. Elle jeta un regard
rapide au comptoir : patron et clients étaient toujours au bout du
comptoir, lancés dans une discussion passionnée. Quant à elle, elle était de
plus en plus passionnée par le membre viril qu’elle sentait contre sa fesse.
Elle avait envie de le toucher, de le sortir de son écrin, de le sentir en
elle, de le faire vibrer entre ses cuisses.
Elle se pencha à l’oreille d’Eric
et, les joues en feu, lui chuchota :
-
Juste derrière vous, il y a les
toilettes.
Sur ce, elle se leva en répondant
au clin d’œil complice de son amie et se dirigea dans le petit couloir qui
menait aux toilettes. Ses jambes étaient légèrement flageolante et elle fut
heureuse que la lumière soit aussi faible : ainsi, personne n’allait
peut-être remarquer ses joues empourprées.
Eric resta un instant interdit, se
demandant s’il avait bien compris ce que lui avait dit Virginie ou, pour être
plus exact, s’il l’interprétait bien. Il croisa le regard de Magalie qui acheva
de le rassurer.
-
Je garde vos affaires, lui dit-elle
en lui décochant un clin d’œil.
Plantée devant l’entrée des
toilettes des femmes, Virginie tentait de remettre un peu d’ordre dans son
esprit qui était autant en feu que son corps. Elle respirait rapidement, comme
s’il avait couru un cent mètres, la bouche entrouverte, tremblante sous la
puissance du désir qui l’habitait. Même si elle trouvait la situation
complètement folle, elle espérait qu’Eric allait la rejoindre : elle
voulait le posséder et se sentir posséder par lui. Elle imagina la verge
s’enfoncer en elle, aller et venir entre ses reins ; cela faisait si
longtemps qu’elle n’avait pas fait l’amour, que son corps ne répondait plus à
aucune rationalité, pas plus que son esprit.
Devant elle, se dressait un
distributeur de préservatifs. Elle plongea une main nerveuse dans son petit sac
à main, en tira un porte-monnaie et mis une pièce d’un euro dans la machine. Un
sachet en tomba aussitôt qu’elle prit rapidement, alors qu’Eric arrivait enfin.
Ils se regardèrent en silence, aussi ému l’un que l’autre, plongés dans les
mêmes émotions, le même désir de l’autre. Il s’approcha d’elle et posa une main
sur sa joue. Elle ferma les yeux et pencha la tête de côté.
-
Viens ! lui souffla-t-il à l’oreille.
La prenant par la main, il
l’entraîna dans les toilettes des femmes et ils s’enfermèrent dans la première
cabine. Son choix n’était pas dû au hasard, mais bien réfléchi : à part
Magalie et Virginie, il n’y avait que des hommes dans le bar, donc peu de
risques qu’ils se trouvent dérangés dans les toilettes des femmes.
-
Tu sais, je ne voudrais pas que tu
penses que je suis une fille facile. Je n’ai jamais fait ça auparavant… Je ne
sais pas ce qui m’arrive !
-
Moi non plus, répondit Eric en la
fixant dans les yeux comme s’il pouvait y lire le fond de sa pensée. Je ne
pensais même pas que ce genre de situation puisse se produire autrement que dans
un roman !... Si tu doutes, il est encore temps de faire marche arrière.
Pour toute réponse, Virginie se
jeta à son cou et s’empara aussitôt de ses lèvres. Sa langue, vivace, s’immisça
entre-elles pour trouver rapidement celle d’Eric et une joute passionnée s’engagea entre eux.
Eric fondit sous l’assaut de la
jeune femme. Il aurait voulu pouvoir se jeter sur son cou, qu’il devinait
exquis, pour le couvrir de baisers, mais le col roulé lui en interdisait
l’accès. Alors, il s’arracha à l’étreinte de Virginie et s’agenouilla devant
elle. Il posa ses mains sur chacune des bottes et les fit remonter lentement,
frissonnant lorsqu’elles glissèrent sur les bas pour disparaître sous la jupe.
Une nouvelle fois, Virginie ferma
les yeux et rejeta la tête en arrière. Elle trouvait la caresse subtile,
électrique, et elle sentit son tanga s’humidifier encore plus. Elle poussa un
petit cri lorsqu’il le lui descendit brusquement jusqu’aux genoux et crut
devenir folle lorsqu’elle le vit y approcher son visage pour en humer les
senteurs de son excitation.
-
J’aime ta fragrance, belle Virginie,
dit-il en plongeant doucement la tête sous la jupe en jean.
Elle écarta les jambes et soupira
d’extase lorsque les lèvres se posèrent en maints endroits à l’intérieur de ses
cuisses, pour y déposer de petits baisers à peine perceptible. Elle serra les
points de plaisir quand la pointe de la langue vint courir sur son pubis vierge
de tous poils et laissa échapper un premier gémissement lorsque cette même
langue glissa, dans une lenteur
diabolique, vers ses grandes lèvres, vers son clitoris qu’elle sentait dur de
désir.
Eric se saisit du fessier,
magnifiquement rebondit, à pleines mains pour plaquer encore mieux la vulve à
sa bouche. Avec sa langue, il perça les grandes lèvres et trouva rapidement le
bouton enflé avec lequel il se mit à jouer. Dans son caleçon, il sentait se
répandre son liquide séminal, signe que sa propre excitation était à son
paroxysme. Il brûlait d’envie de plonger sa verge dans la douceur de cette
intimité féminine, mais il ne voulait pas passer outre les préliminaires qu’il
appréciait tant, même si l’inconfort des lieux lui imposait quelque chose de
court.
Virginie se mit à lui caresser la
nuque, puis ses doigts se refermèrent dans ses cheveux quand il s’attaqua
délicieusement à son clitoris, la faisant se tendre brusquement comme la corde
d’un arc.
-
Dieu que c’est bon !
lâcha-t-elle sans retenue.
Une liqueur, au goût légèrement
épicé, coulait doucement dans le palais d’Eric. Voulant en boire encore plus,
il s’attaqua plus vigoureusement au clitoris, l’aspirant entre ses lèvres et
faisant tournoyer sa langue autour de lui. Le résultat ne se fit pas attendre
bien longtemps : la cyprine coula rapidement en abondance.
Le souffle saccadé de Virginie se
transforma peu à peu en profonds gémissements plus ou moins contenus. De
longues vagues chaudes se soulevaient du creux de ses reins, transportant tout
son être dans les méandres du plaisir. Les yeux toujours clos, elle visualisait
parfaitement la bouche de son amant plaquée à son intimité, les mouvements de
ses lèvres dans la succion de son clitoris au bord de l’explosion et la folle
farandole de la langue autour de ce dernier, une danse qu’elle accompagnait à
présent dans un mouvement voluptueux des hanches.
Elle perçut le moment où son corps
allait s’emballer, s’abandonner à l’orgasme. Elle serra les dents pour tenter
d’étouffer au mieux les cris qu’elle sentait monter de sa poitrine et ses
ongles se plantèrent dans le cuir chevelu d’Eric lorsque l’intérieur de son
ventre explosa, telle une éruption volcanique, provoquant un séisme qui la fit
trembler de toute part.
Sa bouche toujours collée à la
vulve telle une ventouse, Eric se délecta de toute la liqueur que voulait bien
lui offrir la jeune femme succombant à l’orgasme, la buvant à grandes gorgées
jusqu’à ce que, ne pouvant plus se tenir sur ses jambes en raison de spasmes
trop violent, elle se laissa tomber à genoux. Ses grands yeux noirs étaient
plus brillants que jamais, comme s’ils étaient habités par des feux follets.
Elle posa ses mains sur les joues de son amant et s’empara à nouveau de ses
lèvres. Le goût de sa cyprine donna une saveur nouvelle à la fougue de son
baiser.
-
Lève-toi ! dit-elle
brusquement.
Il s’exécuta et se retrouva debout
devant elle toujours à genoux. Elle descendit la braguette de son pantalon et
plongea aussitôt une main à l’intérieur, qu’elle glissa rapidement sous le
caleçon pour se saisir du membre tant convoité. La verge était dure dans sa
main et son pouce glissa sur le gland humide, effleura l’urètre, ce qui arracha
un râle à Eric. N’y tenant plus, elle sortit le membre hors du pantalon,
faisant suivre le même traitement aux testicules gonflés par le désir, et se
recula un peu pour mieux profiter du spectacle qui lui était offert.
Fièrement dressé pour elle, le
membre viril semblait la supplier de s’occuper de lui et elle ne résista pas
longtemps à cet appel ; ce fut au tour d’Eric de fermer les yeux et de
respirer bruyamment.
La bouche coulissa lentement le
long de la hampe, l’emprisonnant dans une humidité sublime. Dès que
Virginie entama de subtils mouvements de fellation, libérant par moment
totalement la verge pour exciter l’urètre de la pointe de sa langue, ou bien
pour redessiner les contours du prépuce du bout d’un doigt, Eric se sentit
gagné par d’intenses frissons et commença à laisser échapper de petits
gémissements. Lorsqu’elle se rendit compte que la grosse veine se mettait à battre
un peu trop vite, elle arrêta sa fellation, récupéra le sachet qui était tombé
au sol, le déchira et en sortit le préservatif qu’elle déroula aussitôt sur la
hampe devenue très sensible.
-
Prends-moi ! dit-elle en se
relevant.
Eric la fit se retourner, retroussa
sa jupe sur ses hanches et pénétra lentement l’intimité ainsi offerte.
S’appuyant des deux mains à la porte de la cabine, Virginie savoura pleinement
chaque seconde de la pénétration, sentant du courant électrique lui traverser
ses entrailles, tandis que sa paroi vaginale s’écartait doucement face à la
progression de la verge. Enfin, elle sentit les testicules venir battre contre
ses fesses et elle eut presque les larmes aux yeux, tant son plaisir d’être
possédée était intense.
Eric commença par glisser lentement
entre les reins de sa maîtresse, se retirant presqu’entièrement pour mieux la
reprendre. Petites et grandes lèvres lui procuraient une succion diabolique,
faisant monter des vagues de chaleur dans tout son être. Virginie se mit à
bouger les hanches, les faisant onduler quelques secondes, avant de donner de
grand coup pour aller plus vite à la rencontre du membre viril. Alors, Eric
agrippa fermement ses hanches et accéléra brutalement ses coups de boutoirs,
les faisant aussi plus forts.
-
Continue comme ça !
lâcha-t-elle entre deux gémissements.
Eric se mit à pousser plusieurs
râles ; il sentait la sève se lever dans ses testicules. Virginie poussa
un cri plus puissant que les précédents et fit des mouvements désordonnées de
la tête. La verge allait et venait en elle à une vitesse folle ; les
testicules la frappait délicieusement ; une nouvelle explosion partie du
creux des reins, plus violente que la première et, des larmes de bonheur aux
yeux, elle laissa l’orgasme libérateur s’emparer d’elle. Au même moment, Eric
explosa à son tour en poussant un long râle de plaisir.
Virginie fut la première à revenir
dans l’arrière salle, sous les yeux inquisiteurs de son amie. Elle jeta un
regard au comptoir : les clients et le patron étaient toujours dans une
conversation très animée et ne semblait pas s’être rendus compte du temps,
certainement très long, qu’elle avait passé dans les toilettes avec Eric.
-
Alors ? demanda Magalie.
-
Alors quoi ?
-
C’était comment !?
-
C’était une folie !
-
Ce n’était pas bien ?
-
Oh que si ! Mais nous aurions
pu nous faire surprendre, te rends-tu compte ?... Mais je n’ai qu’une
envie : recommencer le plus tôt possible !
-
Avec lui ?
-
Oui !
-
Ce soir, à l’hôtel, tu me racontes
tout ! ordonna-t-elle dans un murmure en voyant apparaître Eric.
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